Image d'un SUV en train de rouler, fond flou
SUV : à contresens de l’histoire

Appelons les décideurs politiques et le secteur automobile à faire reculer les ventes des véhicules surdimensionnés et à proposer des solutions de mobilité plus légères, moins dommageables au climat et plus favorables à notre pouvoir d'achat.

Le SUV, un fléau pour le climat et le porte-monnaie

La voiture moyenne des Français est de plus en plus grosse, coûteuse et polluante. Face à l’urgence climatique, le triomphe du SUV apparaît comme un non sens. Ensemble, faisons le choix d’une mobilité légère.

Le boom de la démesure

« Si rien n'est fait pour inverser la tendance, les SUV pourraient représenter 2/3 des ventes en 2030. »

Isabelle Autissier

SUV est l’acronyme de Sport utility vehicle, littéralement véhicule utilitaire à caractère sportif, en français. Un croisement entre 4x4 et berline, caractérisé par la carrosserie d’un tout-terrain mais destiné à un usage tout à fait ordinaire. Encore symbolique il y a à peine 10 ans, aujourd’hui, ce modèle encombrant est plébiscité dans le monde entier. Dans l’hexagone, les ventes de SUV ont été multipliées par 7 en dix ans et représentent aujourd’hui près de 40 % des ventes de voitures neuves. La tendance est donc à la démesure. 

Depuis 10 ans, nos voitures prennent 1 cm tous les deux ans et 10 kg par an. Nous sommes passés de 1,68 m de large en moyenne en 1996 à 1,78 m en 2016. Côté poids, en 50 ans les véhicules ont gagné 500 kilos. Et si l’on remonte encore un peu plus loin, on constate un alourdissement de plus de 62%. En 1960, nos voitures pesaient encore en moyenne 778 kg, contre plus de 1 262 kilos en 2017. 

En bref, un SUV par rapport à une voiture standard, c'est 200 kg, 25 cm de long et 10 cm de large en plus ! Quels bénéfices cette tendance à l’excès nous procure-t-elle au quotidien ?

Quand la voiture pèse sur le climat et le budget

Les projections montrent qu'en 2035, les SUV représenteront, pour les ménages modestes, un surcoût annuel de 408€ par an.

Un véhicule plus lourd pollue plus car il a besoin de plus de carburant pour déplacer sa masse. Un SUV consomme environ 15% de plus qu’une voiture standard. Ce surpoids combiné à une carrosserie souvent moins aérodynamique induit aussi un surplus de consommation. Du côté du climat, les SUV ont constitué, ces 10 dernières années, la 2ème source de croissance des émissions de CO2 françaises, derrière le secteur aérien. D’après nos projections, la progression des ventes de SUV, dans les prochaines années, est incompatible avec la réalisation des objectifs climatiques de la France pour 2030.

Le SUV pèse aussi sur le budget des ménages car son prix à l’achat est plus élevé que celui d’un véhicule classique. Les frais d’assurance d’un SUV et de ses pneus sont aussi souvent plus importants. La tendance du marché des véhicules neufs se répercute également sur le marché de l’occasion, que les SUV envahissent progressivement. Ainsi, même en seconde main, l'achat d’une voiture est de moins en moins accessible. En 2035, les SUV représenteront, pour les ménages modestes, un surcoût annuel de 408 € par an. Ces nouvelles dépenses contraintes représentent pour eux l’ensemble de leurs dépenses annuelles de santé.

Enfin, s’il procure un sentiment de sécurité parce que la position du conducteur est plus élevée que dans une voiture standard, être au volant d’un SUV s'avère en réalité plus dangereux pour soi… et pour les autres. Les chiffres en attestent. Un piéton a 2 fois plus de risques d’être tué en cas de collision avec un SUV par rapport à une voiture standard. Tandis qu’un conducteur a 10% de risques en plus d’avoir un accident à bord d’un SUV que d’une voiture classique. 

Le trop plein de SUV dans la publicité

L’espace publicitaire est aujourd’hui saturé par les SUV. Sur les 4,3 milliards d’euros consacrés à ses dépenses de publicité en 2019, la filière automobile a consacré 1,8 milliards à la promotion des SUV en France. Sur la même période, les constructeurs automobiles ont dédié seulement 1,2 milliards à la promotion des citadines. De même, à la télévision, la pub pour SUV a cumulé en 2019 3h50 de diffusion chaque jour, soit l’équivalent de 2 matchs de football, ou de 6 journaux télévisés. Dans la presse, l’espace qui leur a été dévolu cette même année correspond à la publication d’une édition nationale de 18 pages, chaque jour.
 
Une aberration face à la réalité que concourent à occulter ces publicités : dérèglement climatique, embouteillages, pollution de l'air, insécurité routière… Tandis que la pub met en avant le sentiment de sécurité et nous vante les mérites d’un véhicule tout terrain permettant d’accéder à des espaces naturels préservés, la réalité est autrement moins flatteuse : un conducteur au volant d’un SUV à 10 % de plus de chances d’être victime d’un accident de la route et le SUV a déjà représenté, dans notre pays, la 2ème source de croissance des émissions de CO2 ces dix dernières années. C’est pourquoi nous réclamons la fin de cette aberrante promotion !
 
Alors que le projet de loi Climat et résilience, qui vient d’être présenté par le gouvernement, contient des premières mesures pour encadrer et réguler la publicité, le WWF France soutient que l’espace publicitaire ne doit pas, de son côté, pouvoir continuer à faire la part belle aux véhicules les plus polluants. Nous appelons le gouvernement à interdire la publicité pour les véhicules les plus lourds et à réorienter les budgets publicitaires vers la promotion de véhicules plus légers et moins émetteurs.

Vos questions et nos réponses

Pourquoi le SUV est-il un sujet de mobilité prioritaire pour le WWF France ?

Les voitures sont loin d'être un sujet secondaire : elles représentent plus de 50 % des émissions du secteur des transports, loin devant les autres modes de déplacement. Dans ce paysage, les SUV sont polluants : ils constituent la 2ème source de croissance de CO2 sur ces dix dernières années. Sans réduire les ventes de SUV, la France n'atteindra pas ses objectifs climat !

Cela étant, la mobilisation autour de l'enjeu que représente les SUV s'inscrit dans le cadre d'un travail plus large, que nous menons depuis plusieurs années : le WWF France aborde ainsi la question de la transition du secteur des transports dans son ensemble et œuvre pour activer tous les leviers de la transition, de son implication au sein de l'Organisation maritime internationale à ses actions de plaidoyer pour la mise en place d’une éco-contribution sur les billets d’avion.

Pour en savoir, plus sur l'approche qui fonde le travail du WWF, consultez cette page.

La fiscalité est-elle vraiment une bonne solution pour réduire les ventes de SUV ? Ne risque-t-on pas de pénaliser les consommateurs ?

Nous proposons d’améliorer la fiscalité automobile aujourd’hui pour ne pas pénaliser les consommateurs demain. Si rien n’est fait, les consommateurs les plus modestes se retrouveront bientôt piégés : qu’ils se tournent vers des voitures neuves ou le marché de l’occasion, ils n’auront plus d’autre choix que d’acheter un SUV, qui coûte plus cher, à l’achat comme à l’utilisation (frais de carburant, frais d'entretien, frais d’assurance, etc.). En modélisant la progression des SUV, nous avons montré que les SUV coûteront en 2035, 408€ par an de plus que si on leur avait privilégié des véhicules plus légers. Pour un ménage modeste, ce sera l’équivalent de toutes ses dépenses de santé pendant un an. 
 
Plutôt que piéger les consommateurs sans leur laisser le choix, nous proposons de réorienter sans attendre l’offre de voitures vers des modèles plus légers et électriques. Depuis la crise de 2008, les constructeurs automobiles orientent progressivement le marché vers des voitures qui pèsent lourd sur le climat et sur le pouvoir d’achat. Aujourd’hui, alors que nous nous relevons d’une crise sans précédent, ils ont la responsabilité de privilégier des modèles plus légers et électriques pour éviter de nous engager dans une nouvelle décennie de SUV. 
 
Notre proposition vise à améliorer la fiscalité automobile uniquement au moment de l'achat de la voiture. Il ne s'agit pas de modifier la fiscalité qui pèse sur les carburants, dont l'achat est beaucoup plus régulier et dont l'évolution du prix peut davantage être perçue comme une contrainte (une fois notre voiture achetée, nous sommes dépendants du prix du carburant).

Enfin, nous proposons d'améliorer la fiscalité automobile de manière très progressive, en réservant un traitement particulier aux petits SUV, moins lourds que les SUV les plus imposants : d'une part, le malus poids ne s'appliquerait qu'aux voitures de plus de 1300 kg, alors que la masse moyenne des voitures vendues en France se situe à 1240 kg. D'autre part, pour les voitures pesant moins de 1500 kg, le montant du malus par kilogramme serait réduit à 5 euros par kilo supplémentaire. Ainsi, si cette mesure avait été appliquée en 2019, la très grande majorité des voitures neuves vendues en France (85%) n'auraient pas ou peu (moins de 1000 euros) payé de malus pour le poids. Notre proposition tient aussi compte des besoins spécifiques des familles nombreuses : pour l'achat d'un Renault Scenic, dont le poids moyen est de 1582 kg, une famille nombreuse ne paierait pas de malus au titre du poids. 

Une taxe sur le poids des voitures a été créée, comme le demandait le WWF France, et entrera en vigueur en 2022. Pourquoi cette taxe n'est-elle pas suffisante ?

Comme le WWF France le demandait après avoir publié deux études sur les SUV, la France prélèvera à partir de 2022 une taxe sur la masse des voitures pesant plus de 1,8 tonnes. En l’état, cette mesure ne visera cependant qu’une niche de voitures (moins de 3 % des ventes françaises) et sera bien en peine d’inverser, même de contenir, un phénomène qui affecte l’ensemble des segments du marché, sans se limiter aux seules gammes des véhicules les plus lourds.

Cette première mesure reconnaît néanmoins la nécessité de prendre en compte le poids des voitures, et c’est un premier pas. Pour commencer à ralentir la progression fulgurante des SUV, il faudra néanmoins l’appliquer beaucoup plus largement. 

Créer une taxe sur le poids des voitures n’est-il pas dangereux pour la compétitivité de l’industrie automobile français ?

Dans le secteur automobile, les véhicules conçus par les constructeurs français sont parmi les plus légers, autour de 1 290 kg en moyenne (1 310 kg pour Renault et 1 270 kg pour Peugeot), soit bien en dessous de la moyenne des constructeurs toute marque confondue (située à environ 1 390 kg). Ils seraient donc avantagés par une telle fiscalité par rapport à leurs homologues internationaux. 

Les SUV sont-ils vraiment plus lourds que les berlines ?

Plutôt que de prendre des exemples isolés, sans pouvoir en tirer de conclusion rigoureuse et fidèle à la réalité du marché automobile français, nous avons choisi d’objectiver le débat en nous fondant sur les données de plus de 1 200 000 voitures vendues en France, qui correspondent à tous les modèles faisant plus de 20 000 ventes par an : conclusion, un SUV pèse en moyenne plus de 200 kg qu’une voiture standard.

Si on s’intéresse à la comparaison entre le SUV le plus vendu en France et la berline la plus vendue en France, le constat est le même : le SUV le plus vendu en France (la Peugeot 3008) pèse 111 kg de plus, consomme 23 % de carburant en plus et émet 14 % de CO2 en plus que la berline la plus vendue en France (la Peugeot 308).

Le SUV électrique n’est-il pas une alternative idéale pour le climat ?

Malheureusement, ce n’est pas si simple. 

Ce n’est pas parce qu’une voiture est électrique qu’elle n’a aucune empreinte carbone. Plus une voiture est lourde, plus il faut de matière pour la fabriquer, et plus sa fabrication émet de CO2. 

Pour une voiture électrique (qui émet très peu de CO2 en roulant), les émissions liées aux étapes de fabrication et de fin de vie, représentent environ 80 % de son empreinte carbone. Les gros SUV, même électriques, émettent donc plus de CO2 que si on leur avait préféré des modèles plus légers. 

En modélisant des scénarios projetés jusqu’en 2030, le WWF s’est rendu compte que le développement de la voiture électrique ne sera pas suffisant : pour atteindre ses objectifs climat, la France devra aussi réduire les ventes de SUV. 

La voiture électrique n'est pas nécessairement vertueuse d'un point de vue environnemental. Pourquoi cibler les SUV et pas la voiture électrique ?

D’un point de vue des émissions de gaz à effet de serre, le constat est sans appel : sur l'ensemble de son cycle de vie (fabrication, utilisation et fin de vie), un SUV thermique a une empreinte carbone 5 à 6 fois supérieure à celle d'une voiture électrique, pour une même distance parcourue. 
 
Cela étant, le véhicule électrique n’est pas parfait ni dénué de tout impact sur l'environnement. Notre étude consacrée à l'impact des SUV sur le climat montre d'ailleurs que le développement de la voiture électrique ne suffira pas à atteindre nos objectifs climat : il faudra aussi réduire les ventes de SUV. Autrement dit, nous ne pourrons pas nous satisfaire d'un avenir pavé de SUV électriques !
 
C'est pourquoi la voiture électrique doit être développée dans un cadre bien précis : d'abord, nos formes de mobilités doivent évoluer vers plus de sobriété. Ensuite, notre mix énergétique doit tendre vers un avenir 100% renouvelable. Enfin, la France doit mettre en place une politique industrielle d'approvisionnement responsable et d’écoconception des batteries.

Les monospaces familiaux ont quasiment disparu du marché : le SUV n’est-il pas l’alternative au monospaces destiné aux familles ?

Les SUV ne constituent qu’une offre familiale par défaut, qui s’est imposée au détriment de l’offre traditionnellement dédiée aux familles, à l’image des monospaces dont les ventes ont chuté de 10 % à 2% du total en 10 ans. Autrement dit, la progression fulgurante des SUV a contribué à diluer l’offre destinée aux familles dans une catégorie plus vaste, plus diffuse et moins attentive aux besoins spécifiques des familles.

Par ailleurs, parmi les trois SUV les plus vendus en France, deux modèles (la Peugeot 2008 et la Renault Captur) concurrencent directement les citadines (la Peugeot 208 et la Renault Clio). Or, les citadines sont loin d’être des modèles adaptés aux besoins des familles nombreuses. 

Pourquoi les SUV seraient-ils moins sécuritaires ?

Les études du WWF sont-elle fondées sur des données fiables ?

L’étude s’est fondée sur les données fournies par les constructeurs automobiles eux-mêmes ainsi que par des acteurs reconnus pour leur légitimité scientifique dans le domaine des transports, de l’économie et de l’environnement : Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), Agence internationale de l’énergie (AIE), Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (CITEPA), International Council on Clean Transportation (ICCT), Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI), France Stratégie (centre d’analyse rattaché au Premier Ministre), Plateforme automobile de la filière automobile en France (PFA), Service de la donnée et des études statistiques (SDES), etc. L’ensemble de ces sources sont détaillées en toute transparence dans les parties méthodologiques des rapports ainsi que dans leurs annexes.