Un Barefoot College pour Madagascar
Avec plus de 24 millions d’habitants, Madagascar fait aujourd’hui face à l’un des plus grands défis de son histoire : l’électrification de son territoire. Seule une minorité des ménages, notamment présents dans les régions dynamique du pays, ont un accès à l’électricité. Le WWF, en partenariat avec le Barefoot College, agit activement pour remédier à cette situation.
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Une énergie coûteuse !
Pour les ménages isolés de Madagascar, la part du budget allouée à l’énergie peut représenter jusqu’à 20% de leurs revenus.
Madagascar est une île en développement. Seul 16% de la population malgache a accès à l’électricité, en milieu rural ce taux chute à 4,7%. Si l’extension du réseau est réelle, seuls les villages bénéficiant d’un certain niveau de développement économique sont véritablement concernés.
L’accès à l’électricité dans les villages ruraux isolés pauvres est ainsi délaissé. Cela concernerait pourtant près de 8,7 millions de personnes.
Faute d’électricité, ces habitants n’ont d’autres choix que de se tourner vers les lampes à pétrole et à pile, alternatives à la fois coûteuses mais également risquées pour la santé de leurs utilisateurs car elles polluent les intérieurs et peuvent être à l'origine de certaines maladies. Les ménages se voient alors enfermés dans le cercle vicieux de la pauvreté : faible niveau d’instruction et moyens de subsistance précaires - souvent à travers l’exploitation destructive des ressources naturelles. C’est dans cette situation de dénuement et d’isolement que les femmes malgaches s’efforcent d’assurer un certain bien-être dans leur foyer, une lutte quotidienne sans perspective d’épanouissement et d’un futur meilleur pour leurs enfants.
Pour faire face aux difficultés rencontrées par les ménages ruraux isolés, l’État malgache a adopté en 2015 la Nouvelle Politique de l’Énergie (NPE). Celle-ci prévoit notamment que d’ici 2030, 70% des ménages devraient avoir accès à une source d’éclairage moderne et à l’électricité. Compte tenu du niveau élevé d’ensoleillement dans le pays, la promotion de lampes solaires et de systèmes solaires photovoltaïques fait partie des orientations définies.
Les grand-mères solaires
Dans le cadre d’un partenariat international entre le WWF et le Barefoot College, l’approche « Femme Ingénieure Solaire » a été initiée à Madagascar en 2012 avec 7 femmes issues de deux villages du Sud-Est de Madagascar. Ces femmes, pour la plupart mères ou grand-mères, ont été recrutées selon plusieurs critères : avoir un faible, voire aucun, niveau de scolarité, avoir un statut social modeste et avoir entre 35 et 50 ans.
Ces femmes ont rejoint d’autres femmes originaires de villages reculés de différents pays du monde pour participer à la formation organisée par le Barefoot College. Pendant 6 mois, elles ont appris à identifier des composants électroniques par leur forme et leur couleur, à exécuter des tâches techniques et à acquérir les compétences nécessaires au montage, à l’installation, à l’utilisation, à la réparation et à la maintenance de systèmes solaires. Les instructions étaient mimées, élèves et professeurs ne parlant pas la même langue.
De retour à Madagascar, ces « femmes ingénieures solaire » ont pu équiper près de 400 ménages en systèmes solaires photovoltaïques destinés à l’éclairage, à l’écoute de radio et à la recharge de téléphone. Elles en assurent également l’entretien et la réparation. Par ailleurs, chaque village dispose d’un atelier de travail destiné aux femmes, baptisé « maison solaire ». Chaque ménage bénéficiaire contribue à hauteur de 3 000 à 10 000 Ar/mois (env. 1-3 €/mois) afin d’assurer la rémunération des techniciennes et le renouvellement des composants en fin de vie. Aujourd’hui, un total de vingt-sept de femmes ont rejoint l’initiative et ce sont 1 750 ménages qui ont accès à l’électricité grâce à elles.
Développer le projet à travers le pays
À terme, 630 000 ménages malgaches devraient bénéficier des nouveaux équipements solaires grâce aux « femmes ingénieures solaire ».
Le projet des « Femmes Ingénieures Solaires » a apporté de nombreux bénéfices au sein de la communauté. Bien plus qu’un éclairage moderne, l’initiative a prouvé qu’en mettant les participantes en contact avec d’autres femmes de diverses nationalités, une dynamique culturelle et sociale pouvait être créée. Les participantes reviennent au pays motivées et désireuses de contribuer activement à la vie de leur village.
L'initiative a démontré aux communautés qu’il était à la fois possible et bénéfique de recourir à des activités génératrices de revenus durables qui réduisent leur dépendance à l’exploitation des ressources naturelles. L’accès à une source d’énergie propre a aussi significativement amélioré le niveau de santé des familles. Enfin, avoir plus de lumière en soirée permet aux enfants de réviser leurs leçons, impact non-négligeable sur la scolarité des élèves. Le succès de cette première expérience a suscité l’intérêt de nombreux acteurs du développement, ainsi que celui du Ministère en charge de l’Énergie, justifiant ainsi la mise en œuvre de l’approche Barefoot College à l’échelle nationale.
En 2015, le Ministère en charge de l’Énergie a décidé de développer un programme national pour l’accès à l’éclairage moderne et à l’électricité des ménages ruraux isolés en complémentarité des autres approches d’électrification rurale. Le WWF et le Barefoot College ont, dans ce cadre, renouvelé leur partenariat pour une seconde phase de projet. Au programme, la construction d’un centre de formation Barefoot College à Madagascar pour former 48 femmes issues de villages ruraux isolés aux technologies solaires d’ici 2021. Les techniciennes solaires, les femmes déjà formées, verront leurs compétences renforcées sous la forme d’entrepreneuriat afin d’étendre leurs activités. Puis, 4 nouveaux comités villageois, capables de gérer de manière autonome le service d’électricité grâce à leur collaboration avec les techniciennes solaires, seront formés. D’ici la fin du projet, 8 villages, soit environ 1400 ménages ruraux isolés, devraient bénéficier d’un accès pérenne à l’électricité.