La Colombie livre ses secrets
Après des années de conflits armés, empêchant quiconque d’approcher la zone, des scientifiques partent à la conquête du parc national de la Cordillera de los Picachos. Leur mission ? Dresser un inventaire détaillé de la biodiversité…
Plus de la moitié des biotopes menacés
En Colombie, on recense 56 343 espèces, dont 9000 endémiques en 2018.
Si la biodiversité terrestre était un pays, ce serait sans doute la Colombie.
La nation sud-américaine concentre en effet une faune et une flore incroyablement riches. Une espèce terrestre sur dix y a élu domicile ! En 2018, 56 343 espèces y ont été recensées (et beaucoup d’autres ont été découvertes depuis), dont plus de 9 000 étaient endémiques. Il faut dire que la Colombie abrite pratiquement tous les types d’écosystèmes de la planète, de la toundra aux forêts tropicales humides en passant par la jungle, les rivières et les mers.
Malheureusement, près de la moitié de ces précieux biotopes, et de fait, des nombreuses espèces qu’ils hébergent, sont menacés. L’extraction de pétrole, de minéraux et de métaux, la déforestation, le trafic d’animaux sauvages et l’impact du commerce de la coca sont autant de facteurs qui contribuent à cette menace, se poursuivant à un rythme soutenu malgré le fait qu’en théorie, environ 10 % du territoire national colombien est protégé.
Pour un développement plus soutenable
Le long de la côte colombienne du Pacifique, du Sud-Ouest du Panama au Nord-Est de l'Équateur, la région du Chocó-Darién se compose de forêts tropicales, de montagnes et de zones côtières abritant une riche biodiversité. Mais la construction d’infrastructures et de routes a exigé le défrichage ou la dégradation d’environ un tiers de la superficie de la région. C’est pourquoi nous avons conçu le projet « Conservation et développement durable dans l'écorégion du Chocó » dont les objectifs principaux sont de combattre les menaces qui pèsent sur la diversité biologique et la richesse culturelle des forêts, ainsi que de renforcer le poids de la société civile et des communautés locales dans la gestion de la zone.
En Amazonie, nous travaillons avec les communautés locales, les ONG partenaires, les entreprises, les gouvernements, et veillons à ce que la fragmentation des milieux forestiers ainsi que la dégradation des rivières soient minimisées au sein d’un écosystème amazonien qui a déjà perdu près de 20% de sa surface totale, du fait notamment des pressions agricoles et pastorales mais aussi de l’impact des secteurs forestiers et miniers.
Une exploration inédite !
Les contreforts de l'Amazone représentent l'une des régions les plus riches au monde en matière de biodiversité.
Là où la chaîne de montagnes orientale des Andes commence à s'estomper, cédant la place aux forêts légendaires de l'Amazonie, se trouve le parc national de la Cordillera de los Picachos. Si cette zone protégée a été créée en 1970 pour favoriser la conservation de la jungle humide et des forêts inondées de páramo, biotopes d’une valeur inestimable, les nombreux conflits armés sévissant dans la région ont rendu la zone difficile d’accès. Jusqu’à présent, on ignorait donc à peu près tout sur la faune et la flore du parc.
Mais il y a quelques mois, une équipe a décidé de lever le voile sur le mystère entourant la zone. Des biologistes de la Fondation La Palmita, d'anciens guérilleros des Farc, des habitants de la zone de réserve paysanne de Pato-Balsillas, des salariés des Parcs Naturels Nationaux et des experts du WWF sont partis à la découverte de lieux quasiment inexplorés jusqu’alors. Leur mission ? Mesurer l’état de la biodiversité et en particulier, faire l’inventaire des espèces d’oiseaux, de grands mammifères, de papillons, de plantes, d’amphibiens, de reptiles et de chauves-souris.
Sans surprise, les contreforts de l'Amazone s’avèrent être l'une des régions les plus riches au monde en matière de biodiversité. Les résultats de l'expédition révèlent, à titre préliminaire, la présence d’environ 248 espèces de plantes, 376 de papillons, 26 d'amphibiens, 10 de reptiles, 275 d'oiseaux, 30 de mammifères (grands et moyens) et 36 de chauves-souris. Mais le moment le plus émouvant de cette formidable épopée fut sans doute celui où les membres de l’expédition croisèrent la route d’un ours à lunettes, une espèce menacée si méfiante que la rencontrer relève de l’exploit !