Le lynx à la reconquête de son territoire

Fourrure tachetée, pinceaux noirs ornant ses oreilles et favoris, le lynx boréal (lynx lynx) est le plus grand félin d’Europe. Au Moyen-Âge, il peuplait toutes les forêts françaises, des Pyrénées au Jura, en passant par la Bretagne. Mais chassé pour sa fourrure ou pour protéger les animaux domestiques, il a déserté le pays au début du 20e siècle. Il a fallu attendre près de cent ans pour le voir réapparaître sur notre sol.

Réintroduits en Suisse, quelques lynx ont franchi la frontière et colonisé le Jura et les Alpes dans les années 70. Deux décennies plus tard, 9 femelles et 12 mâles ont été réimplantés dans les Vosges françaises. Mais l’espèce demeure vulnérable en raison d’un territoire morcelé, du braconnage et des collisions avec les voitures, première cause de sa mortalité.

Tous les ans depuis les années 2000, ce sont en moyenne 4 lynx qui sont percutés par un véhicule. Si l’UICN classe le félin "en préoccupation mineure" en raison de sa large distribution et de ses effectifs stables, la France, elle, l’a placé dans la catégorie "en danger" sur sa liste rouge des espèces menacées.

Le WWF sensibilise la population dans les régions où le lynx a failli disparaître. L’un de nos objectifs est de réduire le conflit entre les humains et les animaux afin que le félin puisse à nouveau prospérer.

La protection de l’espèce est inexorablement liée à celle de son habitat. C’est pourquoi nous travaillons principalement dans les Carpates qui hébergent les plus grandes populations européennes de lynx. En France, entre 2018 et 2021, le WWF s’est fortement mobilisé pour aboutir à l’élaboration du Plan national d’action de sauvegarde du lynx boréal portant sur la période 2022-2026, en partenariat avec la SFEPM.

Ce plan, auquel nous avons contribué à travers la publication de 21 propositions d’actions concrètes, vise à ramener l’espèce dans un état de conservation favorable.

Situé entre Chambéry, Aix-les-Bains, Annecy et Albertville, le Parc naturel régional du Massif des Bauges est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Il fait partie du réseau national loup-lynx, piloté par l’Office Français de la Biodiversité (OFB), qui a pour objectif d’acquérir des informations fiables sur ces deux grands prédateurs : répartition, reproduction et évolution des populations.

Les membres de ce réseau sont des professionnels de l’OFB ou de l’ONF*, des photographes animaliers, des agriculteurs, des chasseurs, des naturalistes ou encore des accompagnateurs en montagne.

Chacun d’entre eux contribue à récolter des indices attestant de la présence du félin et du canidé sur le territoire. Pour cela, ils s’appuient notamment sur les pièges photographiques. 

Récemment, en triant les centaines de vidéos de feuillages en mouvement, de randonneurs passant dans le champ de la caméra ou de chevreuils, ils ont eu la bonne surprise de découvrir des images de lynx ! Une femelle et ses deux chatons se sont fait tirer le portrait, apportant la preuve, en image, d’une deuxième reproduction dans le massif. La première avait été détectée en 2020 dans les secteurs Le Noyer et Jarsy. Ces naissances sont un symbole fort de reconquête.

Le lynx progresse dans le massif des Bauges et semble s'y plaire puisqu’il s’y reproduit. Toutefois, à ce jour, on ne recense pas plus de 150 individus sur l’ensemble du territoire français. Comme l’illustre tristement le cas de ce lynx abattu illégalement début 2020 dans les Hautes-Vosges, ou encore les collisions ayant entraîné la mort des lynx Lucky et Labka dans le Palatinat, trop de menaces pèsent encore sur l’espèce.

Plus que jamais, nous devons renforcer nos efforts pour préserver son habitat, trouver des solutions pour lui permettre de mieux coexister avec les activités humaines et continuer d’étudier le félin pour mieux le connaître et ainsi mieux le protéger !

1. Société Française pour l'Etude et la Protection des Mammifères