Réforme de la PAC : changeons d'agriculture !
Le constat est sans appel : notre système agricole est à bout de souffle. Il a perdu sa fonction première : nourrir l’humanité. Industrialisée depuis les années 1960, l’agriculture affecte gravement la nature et la biodiversité, le climat, notre santé et l’emploi dans nos campagnes. Le 29 novembre 2017, la Commission européenne a dévoilé ses orientations pour la réforme de la PAC post-2020, visant à sa « simplification », et « modernisation » ainsi qu’à plus de « flexibilité ». Néanmoins, elle ne donne aucune indication sur le rehaussement des objectifs environnementaux et climatiques, d’où la déception des ONG.
Quelle ambition pour la PAC post-2020 ?
Le projet de réforme de la PAC prévoit notamment une plus grande latitude des Etats pour décider des critères d’affectation des fonds « afin d'atteindre des objectifs communs ambitieux dans les domaines de l'environnement, de la lutte contre le changement climatique et de la durabilité ».
Si la Commission européenne souligne qu’il faut une plus grande ambition en matière environnementale et climatique, elle ne donne aucune indication sur le rehaussement de ces objectifs. Concernant le nouveau mécanisme proposé pour le fonctionnement de la PAC, le texte ne donne pas de précisions et les craintes sont nombreuses :
De plus en plus de latitude donnée aux États
Il est impératif que les objectifs à atteindre soient fixés au niveau européen (et non au niveau de chaque État membre), que les plans stratégiques des États soient approuvés par la Commission européenne, et que cette dernière effectue un contrôle de l’atteinte de ces objectifs. Faute de quoi, on assistera à un nivellement par le bas pour éviter les « distorsions de concurrence » que ne manquera pas de faire valoir le syndicat agricole majoritaire. Un tel dispositif est aujourd'hui absent du texte.
Un risque de renationalisation de la PAC
Encourager l’autonomie des États dans la gestion de la PAC pose la question de la légitimité de mener cette politique à l'échelle européenne. La prochaine PAC ne sera pleinement légitime que si elle revêt une exigence environnementale, climatique et sociale au niveau européen et permet à l'Europe d'engager réellement la transition vers une agriculture durable. A défaut, on s’orienterait vers une renationalisation de la PAC.
Un faible encadrement de l'utilisation des fonds dédiés
Enfin, les fonds dédiés aux mesures environnementales et climatiques doivent être sécurisés pour s'assurer qu'ils soient correctement alloués par les États.
Quelles sont les prochaines étapes ?
Cette réforme sera discutée dans les prochains mois par les États membres et le Parlement européen. Le débat nourrira aussi les discussions sur le prochain budget européen et une proposition législative est attendue en milieu d'année 2018.
Nos équipes de plaidoyer sont à pied d'oeuvre pour obtenir un maximum de garanties pour la transition de notre agriculture. Il sera nécessaire de se mobiliser aux moment clés pour interpeller les dirigeants français et européens.
Plus de 250 000 Européens mobilisés
A l'initiative des ONG Birdlife, du Bureau Européen de l'Environnement et du WWF, une vaste mobilisation en ligne avait eu lieu en Europe pour répondre à la consultation de la Commission européenne sur l'avenir de la PAC, qui s'était déroulée du 2 février au 2 mai 2017.
Plus de 258 000 Européens issus de près de 600 organisations de la société civile et d'entreprises avaient répondu présents pour demander à la Commission européenne de réformer la PAC et pour défendre une agriculture plus juste, plus saine et plus durable.
Qui est responsable ?
Nous le sommes tous un peu. Notre manière de consommer et notre mode de vie ont conduit à l’industrialisation de l’agriculture. Mais nous pouvons encore sortir de cet engrenage.
En France, nous allions élire le Président de la République, qui a le rôle de négocier la nouvelle Politique Agricole Commune (PAC). Ces échéances électorales étaient une occasion unique pour faire entendre cet appel. En Europe, les débats sur l’avenir de l’agriculture et de la PAC offraient une opportunité pour repenser en profondeur notre modèle de production et de consommation alimentaire.
Dans le cadre de la réforme de la PAC, la Commission européenne avait en effet lancé une consultation publique. Les lobbies de l'agro-industrie étaient à la manœuvre et la FNSEA avait même développé un guide réponses à cette consultation où elle préconisait de nier toutes les problématiques environnementales.
Il est urgent d'agir !
La terre est fatiguée. Les traitements chimiques, la surexploitation constante et les monocultures de masse ont appauvri les sols. La France est le premier pays consommateur d’herbicides, de fongicides et d’insecticides en Europe, et le troisième dans le monde. 93% de nos cours d'eaux et 70% de nos eaux souterraines sont pollués par les pesticides. Leur utilisation a profondément affecté la population d'animaux vivants dans nos campagnes.
400 millions d’oiseaux des champs ont ainsi disparu des campagnes européennes ces trente dernières années. Des espèces comme la linotte mélodieuse ou l'alouette des champs ou, plus globalement, les insectes pollinisateurs (abeilles, papillons, etc.) sont fortement en déclin et menacées à cause des pratiques agricoles industrielles (monoculture, pesticides, etc.).
Les hommes sont, eux aussi, durement touchés. L’emploi dans les campagnes a diminué de 30% entre 2000 et 2013. En 2017, un tiers des agriculteurs français ont des revenus équivalents à 353 € par mois. Face à une précarité et à une pression constante, les conséquences peuvent être dramatiques. Un agriculteur se suicide tous les deux jours. La maladie de Parkinson ainsi qu’un cancer, le lymphome non hogdkinien, sont reconnus maladies professionnelles pour les agriculteurs en raison de leur exposition aux pesticides.
Une réforme urgente et indispensable
Une réforme radicale de la PAC est nécessaire et urgente pour :
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garantir une production d’aliments de bonne qualité à court et long terme ;
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créer de l’emploi et préserver l'environnement ;
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préserver notre avenir et les générations futures.
Malgré ces constats, la Commission européenne, le Parlement et les États membres faisaient la promotion d’une Politique Agricole Commune privilégiant des pratiques agricoles non durables et les agro-industries au détriment des petits producteurs et des initiatives responsables.
Un autre modèle d’agriculture est pourtant possible. Des solutions innovantes existent. Contrairement aux idées véhiculées par les lobbies, une production biologique, en permaculture ou à bas niveau d’intrants, est bien plus rentable à long terme. Les expertises le prouvent et des agriculteurs nous le montrent tous les jours.
Le problème est avant tout politique. Pour le résoudre, il faut s’exprimer d’une voix unanime et forte que le WWF peut faire entendre grâce à vous.
Retrouvez la tribune de Pascal Canfin, Directeur général du WWF France, publiée dans le journal Le Monde sur la triple faillite de l’agriculture industrielle et la nécessité de refonder un nouveau pacte agricole et alimentaire.
Voici les réponses préparées par le WWF et envoyées à la Commission européenne
« Quels sont les problèmes/obstacles empêchant la politique actuelle de tenir ses promesses ? Quelles en sont les causes ? »
Si la PAC ne promeut pas l’agriculture durable, c’est parce qu’elle est avant tout conçue pour bénéficier à un nombre restreint de grandes exploitations intensives. Elle ne soutient pas non plus une réelle mise en œuvre de la législation environnementale européenne et des législations liées aux enjeux agricole et alimentaire tels que le bien-être animal et la santé.
« Dans la PAC actuelle, quels éléments vous apparaissent les plus contraignants et les plus complexes, et pourquoi ? »
Dans sa forme actuelle, cette politique (et en particulier les subventions du Pilier I), constitue un fardeau tant pour la société que pour la nature. Malgré son budget considérable, elle n’apporte pas les bénéfices sociaux et environnementaux attendus, ni en termes d’emplois, ni pour la ruralité, ni pour la santé publique, ni pour l’alimentation, le climat ou encore la biodiversité.
« Jugez-vous nécessaire d’ajouter des objectifs à la PAC pour la moderniser ? Si oui, lesquels ? »
Modernisée, la PAC doit faciliter la transition vers un système alimentaire et agricole durable, sauvegarder l’environnement et apporter de réels bénéfices à l'ensemble de la société, agriculteurs compris. Elle doit renoncer aux subventions néfastes et contribuer à l’atteinte des Objectifs de développement durable de l’ONU, à commencer par la lutte contre le changement climatique.
« Avez-vous des pistes concrètes pour simplifier la PAC et alléger la charge administrative des agriculteurs et des bénéficiaires (ou des administrations publiques) ? Veuillez justifier votre réponse en détaillant vos arguments. »
Les subventions prévues par le Pilier I de la PAC doivent être remplacées par des incitations conditionnées au respect d'exigences sociales et environnementales ciblées (et contrôlés).
« Avez-vous d’autres propositions pour moderniser la PAC ? »
J’adhère à la vision de Living Land (www.living-land.org). La nouvelle politique agricole de l’UE doit être juste, écologiquement durable, saine et mondialement responsable. L’élaboration de cette politique doit être ouvert et transparent, il doit aussi associer l’ensemble des autorités et des secteurs concernés (en particulier l’environnement, mais aussi climat, développement, santé, etc.).