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14. décembre 2023 — Communiqué de presse

Loi de finance 2024 : pour acheter la paix agricole, le Gouvernement renonce à protéger l’eau

Alors qu'une commission d’enquête parlementaire publie aujourd’hui ses premières conclusions soulignant les échecs à répétition de la lutte contre les produits phytosanitaires, le Gouvernement confirme son impuissance. Ce même jour, il confirme en effet l’abandon, dans le projet de loi de finances pour 2024, de la hausse des deux redevances sur l’eau prévues pour le secteur agricole, dont celle sur les pollutions diffuses, précisément censée mettre à contribution les utilisateurs de pesticides.

Paysage de champs agricoles en Bulgarie

Plus de la moitié de toute l’eau consommée en France (58%) est utilisée pour irriguer seulement 7% des terres agricoles, pour des productions qui ne participent que faiblement à notre souveraineté alimentaire.

Il n’est plus à démontrer que le modèle agricole industriel menace gravement notre ressource en eau.

Les pesticides sont la première cause de la dégradation de l’état chimique des eaux souterraines, conduisant à des solutions de traitement de plus en plus coûteuses et à la fermeture d’au moins 3000 captages d’eau potable à ce jour.

Par ailleurs, plus de la moitié de toute l’eau consommée en France (58%) est utilisée pour irriguer seulement 7% des terres agricoles, pour des productions qui ne participent que faiblement à notre souveraineté alimentaire et ce alors qu’un récent rapport du WWF montre que le stress hydrique sera près de deux fois plus important sur le territoire français à l'horizon 2040

Tracteur diffusant du pesticide dans les champs

Les particuliers supportent aujourd’hui 75% de la redevance pour prélèvement quand ils ne consomment que 26% de l’eau contre 58% pour le secteur agricole.

Dans ce contexte, le Plan Eau, annoncé le 30 mars 2023 par le Président de la République, avait fixé une première trajectoire pour la qualité de l’eau et la sobriété des usages.

Pour financer cette transition, le projet de loi de finance 2024 se proposait de faire davantage contribuer le secteur agricole. En effet, la charge des redevances est très injustement répartie entre les ménages et les autres usagers : par exemple, les particuliers supportent aujourd’hui 75% de la redevance pour prélèvement quand ils ne consomment que 26% de l’eau contre 58% pour le secteur agricole.

Ce déséquilibre a été largement documenté par un récent rapport de la Cour des comptes, dont les recommandations avaient d’ailleurs nourri la proposition initiale d’une hausse, minime, de ces deux redevances dont s’acquittent les agriculteurs, fondées l’une sur la vente de pesticides (redevance pour pollutions diffuses) et l’autre sur l’irrigation (redevance pour prélèvement d’eau).

Le Gouvernement renie sa promesse de rééquilibrage des principes “pollueur-payeur” et “préleveur-payeur”. Surtout, il sacrifie le Plan Eau pour satisfaire les grandes exploitations d’agriculture industrielle. Le Gouvernement croit avoir trouvé la solution, il ne fait qu’aggraver le problème car le manque d’eau et la transition de l’agriculture ne sont pas des crises de court-terme. Dans le même temps, il renvoie à chaque bassin une cruelle responsabilité : dégager de nouvelles ressources, aux frais des usagers ou des collectivités, pour assurer les coûts immenses de la nécessaire adaptation au changement climatique ; ou supprimer des dépenses en revoyant l’ambition à la baisse”.
Jean Burkard, directeur du plaidoyer du WWF France

Le WWF France appelle le gouvernement à prendre la mesure de la situation et à se saisir instamment des travaux de la commission d’enquête, des ONG et de la science en organisant dès maintenant une concertation nationale impliquant toutes les parties prenantes - parlementaires, consommateurs, collectivités, associations - pour la remise à plat de la fiscalité de l’eau afin que les plus gros préleveurs et les plus gros pollueurs paient leur juste part dans l’effort national.