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28. juin 2022 — Communiqué de presse

Qu’est-ce qui a plus de trous qu’un fromage suisse ? Le nouveau règlement européen contre la déforestation

Les ministres de l’environnement européens, réunis en Conseil aujourd’hui, ont adopté une position pour affaiblir la loi européenne sur la déforestation. Pourtant l’urgence est là : l’Amazonie subit de nouveaux records de déforestation et des millions de citoyens se mobilisent depuis des années, aux côtés des scientifiques et d’entreprises pour que l’UE mette un terme à la déforestation importée. La balle est désormais dans le camp du Parlement, qui avait adopté une position ambitieuse en 2020. Nous comptons sur les députés européens pour apporter une réponse forte, à la hauteur de l’urgence de la situation ! 

La proposition de législation publiée par la Commission en novembre dernier comportait des bases solides

Elle exigeait que tous les produits entrant sur le marché de l'UE soient véritablement durables (c'est-à-dire exempts de déforestation et de dégradation des forêts) et que leur traçabilité soit assurée jusqu'à l'endroit où ils ont été produits ou récoltés. Elle prévoyait également des mesures fortes pour faire appliquer la législation dans l'ensemble de l'UE, notamment des amendes proportionnelles aux dommages environnementaux causés et à leur valeur, ainsi qu'un cadre plus clair pour les États membres sur les moyens d'effectuer les contrôles. Si nous avions souligné certaines lacunes dont l'absence d'autres écosystèmes dans le champ d'application de la législation, cette proposition nous plaçait sur le chemin d’un réel changement.

Le vote d’aujourd’hui vient placer de très nombreuses embûches sur ce chemin du changement

Les députés doivent adopter des modifications substantielles pour étendre le périmètre du règlement et supprimer tout échappatoire permettant de contourner la loi.

Véronique Andrieux, Directrice Générale du WWF France

D’abord, les Etats membres n’ont pas corrigé les lacunes soulignées et ce malgré les nombreuses informations nouvelles qui leur ont été transmises dont les conclusions de notre dernier rapport démontrant l’urgence et la faisabilité d’intégrer les écosystèmes naturels non forestiers (savanes, prairies) au règlement. Ainsi, au moins 330 millions d'hectares seraient menacés sur le continent américain, soit une zone 5 fois plus grande que la France, et ce au sein d’écosystèmes clés pour le climat et la biodiversité comme le Cerrado ou le Pantanal qui sont déjà sous pression. Ce seul manque annihilerait l’ambition européenne.

Le Conseil a pourtant adopté d’autres reculs en réduisant la portée des définitions, le niveau des contrôles ou en faisant reculer la date de référence et les délais d’application de la législation.

C’est maintenant aux parlementaires de corriger la copie. Nous les appelons à agir dès le vote en Commission Environnement les 11/12 juillet prochains sur trois sujets prioritaires : 

  • Ne pas restreindre le champ d’application aux forêts : cela reviendrait à ignorer des écosystèmes clés menacés par notre consommation comme les grandes plaines d’Amérique du Nord, la pampa argentine ou le cerrado brésilien. 
  • Élargir le champ des définitions : telle qu'elle est définie aujourd'hui, la "dégradation des forêts" fait uniquement référence à la conversion de forêts primaires (c'est-à-dire anciennes, non touchées par l'activité humaine) en forêts de plantation et autres terres boisées. Mais les forêts sont détruites de diverses manières qui entraînent une perte de biodiversité ou réduisent leur capacité à lutter contre le changement climatique. 
  • Adopter des règles du jeu équitables et efficaces : la multiplication des exemptions, la simplification des règles pour les entreprises s'approvisionnant dans des pays “à faible risque” ou encore le faible niveau de contrôles risquent d’encourager au contournement de la loi et d’empêcher l’atteinte de ses objectifs. Il faut supprimer les exemptions selon la taille ou la zone d’approvisionnement des entreprises et garantir un niveau minimal de contrôles suffisant pour garantir la bonne application de la loi. 

"La position du Conseil ne reflète ni ce que les citoyens demandent ni ce qui est nécessaire pour arrêter la déforestation. Aujourd’hui, nous demandons aux parlementaires d’écouter les scientifiques sur la nécessité de préserver les écosystèmes naturels, d’écouter les entreprises progressistes qui mettent déjà en place ces solutions et enfin d’écouter les citoyens qui veulent pouvoir acheter des produits sans crainte de contribuer à la destruction du vivant. Pour cela, les députés doivent adopter des modifications substantielles pour étendre le périmètre du règlement et supprimer tout échappatoire permettant de contourner la loi. Nous restons extrêmement vigilants.”

Véronique Andrieux, Directrice Générale du WWF France