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12. août 2016 — Communiqué de presse

[Tribune] Dette écologique : le monde à crédit

Depuis lundi 8 août 2016, l’humanité a une dette envers la planète, une dette écologique. En huit mois, nous avons consommé l’ensemble des ressources que la planète peut renouveler en une année. En d’autres termes, nous avons pêché plus de poissons, coupé plus d’arbres, fait plus de récoltes, consommé plus d’eau que ce que la Terre ne pouvait produire en douze mois. Notre boulimie et notre comportement nous ont ainsi conduits à émettre plus de carbone que ce que les océans et les forêts ne pouvaient absorber en un an. En bref, nous avons dépassé la capacité de la planète à reproduire le capital naturel sans lequel nous ne pouvons subvenir à nos besoins.

Le « jour du dépassement de la Terre »

Nous avons aujourd′hui besoin de l′équivalent de 1,6 planète

La date du 8 août marque donc cette année le « jour du dépassement de la Terre » ou « Earth overshoot day » en anglais. Calculée depuis 1986 par le Global Footprint Network, dont le WWF est partenaire, cette date ne cesse d’avancer : elle s’établissait au 1er novembre en 1986, au 14 octobre en 1992, au 24 août en 2006, au 13 août en 2015.

Nous avons ainsi aujourd’hui besoin de l’équivalent de 1,6 planète. En 2050, en prenant en compte la croissance de la population mondiale, nous aurions besoin de 2 planètes !
Prenons l’exemple de la pêche : dans le monde, 90 % des stocks halieutiques sont surexploités. Pour répondre aux besoins de l’humanité, nous allons bientôt devoir pêcher des poissons de plus en plus petits sans leur laisser le temps de se reproduire et, progressivement, aller jusqu’à un effondrement des stocks.

Il est grand temps de prendre conscience que la nature n’est pas un gisement dans lequel nous pouvons puiser indéfiniment et impératif de changer de modèle de développement !

Les solutions sont là

90% des nouvelles capacités électriques sont renouvelables

Surtout pour réduire nos émissions de carbone, qui représentent à elles seules 60 % de notre empreinte écologique globale. En décembre 2015, les pays du monde ont adopté l’accord de Paris, qui les engage à tout mettre en œuvre pour maintenir la température mondiale en dessous de 2 °C. La dynamique que cet accord a permis de construire doit prendre de l’ampleur et donner lieu à des actes politiques forts, je pense notamment à la sortie des énergies fossiles.

Si les pays et leur gouvernement sont en première ligne, consommer moins et mieux est l’affaire de tous. C’est bien à l’échelle des entreprises que se joue la transformation des chaînes d’approvisionnement vers des matières premières plus durables issues de l’agriculture, de la pêche ou des forêts. De leur côté, les citoyens peuvent agir sur le mode de transport qu’ils utilisent, sur leur consommation énergétique, mais aussi et surtout sur leur alimentation. Gardons à l’esprit que 80 % de la déforestation mondiale est due à l’agriculture, et notamment à l’élevage bovin. En diminuant notre consommation de viande et en privilégiant des achats de produits certifiés, nous pouvons tous contribuer à réduire la déforestation, la surpêche ou encore la surexploitation agricole.

Mais je ne fais pas partie des pessimistes : il y a de nombreux signaux positifs. Dans le domaine de l’énergie, par exemple, 90 % des nouvelles capacités de production d’électricité installées dans le monde l’an dernier sont issues des renouvelables. Leur part était de 60 % en 2014 et de 50 % en 2013.

Depuis lundi 8 août 2016, l’humanité a une dette envers la planète, une dette écologique. Qu’attendons-nous pour agir ? Les solutions sont là, mais il faut maintenant accélérer leur déploiement.
Pascal Canfin - Directeur général du WWF France