Hémicycle de l'Assemblée Nationale
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25. mars 2016

L'Assemblée vote en faveur du préjudice écologique

Dans le projet de loi sur la biodiversité, nos députés viennent d’adopter un article introduisant dans le Code civil la reconnaissance du préjudice écologique. Avec 54 voix contre 11, ce vote a de quoi réjouir celles et ceux qui livrent depuis des semaines une bataille d’influence, le WWF en première ligne…

Le préjudice écologique remis en question

Le paquebot Erika transportait 20 000 tonnes de fioul lors de son naufrage.

Décembre 1999. Erika, un pétrolier poubelle transportant 20 000 tonnes de fioul lourd pour le compte de Total, sombrait au large des côtes bretonnes, souillant plus de quatre cents kilomètres de côtes françaises par une nouvelle marée noire aux conséquences encore présentes dans tous les esprits. Contre les conclusions de l'avocat général, la Cour de cassation confirme, en 2012, la condamnation de Total à réparer le dommage écologique causé et consacre ainsi la notion novatrice de préjudice écologique.
Pourtant, il y a un peu plus de 15 jours, le gouvernement propose un amendement au projet de loi sur la biodiversité qui fait déroger le préjudice écologique aux principes généraux du droit et qui peut largement restreindre sa portée. Avec une interprétation large, il entrouvre la porte au fait que des pollutions résultant d’une activité ayant reçu une autorisation administrative ne peuvent être réparées au titre du préjudice écologique. Le pollueur n’aura alors pas à réparer la nature endommagée.

Des volontaires nettoyant les côtes bretonnes à la suite du naufrage de l'Erika
Un oiseau mazouté  sur un rocher suite au naufrage de l'Erika.

Des volontaires nettoyant les côtes bretonnes à la suite du naufrage de l'Erika.

Le WWF se mobilise

Ce texte, en remettant en cause le principe même du préjudice écologique suscite une levée de boucliers chez les défenseurs de l’environnement. Le WWF s’insurge. Via des campagnes de tweets et la publication de communiqués de presse dédiés, nos équipes s’efforcent d’alerter l’opinion sur les conséquences qu’une telle disposition générerait. En collaboration avec des juristes spécialisés, nous effectuons aussi dans l’ombre un décryptage minutieux des différents amendements afin d’évaluer précisément les enjeux du texte de loi et les risques qu’il présente.

Pascal Canfin, notre Directeur Général, affiche clairement la position du WWF

"La transcription dans le code civil ne doit en aucun cas être en-deçà de ce que reconnait déjà le juge. C’est malheureusement le cas des propositions faites à l’Assemblée nationale que ce soit par le gouvernement ou par la rapporteure. Celle du gouvernement est totalement inacceptable et constituerait une régression du droit de l’environnement et de quinze ans de jurisprudence."

Un pas en avant

En quelques heures, sous la pression, le gouvernement retire son amendement et s’engage à travailler avec les députés à une nouvelle rédaction. Et contre toute attente, mardi 15 mars dans la soirée, l’Assemblée vote en faveur de l’inscription du préjudice écologique dans le Code civil !
L’article adopté par l’Assemblée nationale, sur proposition de la rapporteure Geneviève Gaillard et avec le soutien du gouvernement, est une avancée car il consacre la responsabilité civile sans faute en cas de dommage à l’environnement et ouvre l’action en justice à davantage de personnes.
Il permet une meilleure prise en compte des caractéristiques du préjudice écologique en affectant les dommages et intérêts à la réparation de la nature endommagée ou en allongeant les délais de prescription de 10 à 30 ans. L’entrée du préjudice écologique dans le code civil se fait par la grande porte et donnera une meilleure lisibilité au juge. C’est un pas en avant qui donne à la France un rôle de leader. Les lobbies qui avaient voulu vider la loi de sa substance doivent bien l’admettre, ils ont perdu !