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21. mai 2021 — Communiqué de presse

Premiers arbitrages sur la PAC : le WWF quitte les négociations

Suite au refus du gouvernement de mettre l'agriculture sur la voie de la transition écologique, le WWF France a quitté les négociations liées au PSN.

« Nous sommes très inquiets. C’est pourquoi nous avons décidé de quitter ce matin, la réunion du Conseil d’Orientation de l'agriculture. »

Ce vendredi 21 mai, lors d’un Conseil supérieur d’orientation de l’agriculture (CSO), le ministre Julien Denormandie a présenté les premiers arbitrages du gouvernement sur le Plan Stratégique National (PSN), déclinaison française de la future PAC (Politique Agricole commune). Cette copie devait mettre l’agriculture sur la voie de la transition écologique, une exigence portée par les scientifiques et les citoyens. Le gouvernement a décidé de les ignorer et a présenté une proposition très loin du compte. C'est pourquoi, le WWF France, tout comme plusieurs organisations agricoles et environnementales, ont quitté la réunion de ce matin après avoir rappelé l'incompatibilité de ce plan avec l'urgence environnementale. 

« Nous sommes très inquiets. C’est pourquoi nous avons décidé de quitter ce matin,  la réunion du Conseil d’Orientation de l'agriculture. Les premiers arbitrages sur le plan stratégique national pour la future PAC présentés ce matin par le ministre ne vont pas du tout dans le bon sens. Le gouvernement décide de maintenir un statu quo et donc une PAC qui soutient un modèle agricole à bout de souffle et contribue ainsi à l’effondrement de la biodiversité, la disparition de milliers d’emplois dans nos campagnes tout en entérinant l’impréparation du secteur agricole face aux chocs climatiques. Or, l’agriculture ne peut fonctionner avec un climat déréglé et une biodiversité détruite. Par cette proposition le ministre de l’agriculture ne rend pas service aux agriculteurs qu’il prétend pourtant protéger, et répond encore moins aux attentes citoyennes et recommandations des scientifiques. Le WWF France appelle donc le gouvernement à revoir sa copie. » Arnaud Gauffier, directeur des Programmes au WWF France

Une succession d’arbitrages en défaveur des mesures environnementales et sociales

Refus d’augmenter les transferts de crédits du premier vers le second pilier, refus d’adopter un éco-régime sélectif et ambitieux qui soutient les systèmes d’agriculture les plus vertueux, refus d’augmenter le budget du paiement redistributif… la liste des renoncements est longue et aura des répercussions concrètes : des soutiens financiers en moins pour les agriculteurs qui s'engagent dans la transition, par exemple pour les exploitants engagés en agriculture biologique, et donc l'impossibilité d'atteindre les objectifs du pacte vert européen. Ce PSN illustre la volonté du gouvernement de maintenir un modèle agricole à bout de souffle sans réellement différencier les exploitations les plus vertueuses de celles qui contribuent à la destruction des emplois, de la biodiversité ou à l'accélération du changement climatique. 

Le gouvernement reste sourd face aux alertes des scientifiques

Ces dernières semaines, les scientifiques ont, à de multiples reprises, tiré la sonnette d’alarme et prévenu « des conséquences catastrophiques d’un manque d’ambition en matière d’agroécologie » en s’appuyant sur les nombreuses études scientifiques et rapports institutionnels (Cour des comptes, Commission européenne) publiés ces dernières années concluant à un échec de la précédente PAC sur le plan environnemental. Le gouvernement a connaissance de ces conclusions puisqu’il rappelle dans le diagnostic préalable à la construction du PSN que « l’absence de bénéfice explicite du verdissement en matière d’environnement et de climat a notamment été mis en évidence par la Cour des comptes française dans son référé du 18 octobre 2018 ainsi que par la Cour des comptes européenne concluant sur les effets « limités sinon nuls » du verdissement dans l’ensemble des Etats membres. »

En France, la situation est toujours particulièrement préoccupante : 

  • Sur le plan de la biodiversité, la France ne respecte pas les objectifs de réduction d’utilisation des produits phytosanitaires fixés dans le plan Ecophyto, tout comme elle n’atteint pas ses objectifs en matière de surfaces agricoles cultivées en agriculture biologique (le ministre a lui-même reconnu le mois dernier que l’objectif de 15 % de la surface agricole utilisée en bio ne serait pas atteint en 2022). 
  • Sur le plan climatique, le secteur agricole est encore le deuxième secteur émetteur de GES en France et n’est toujours pas engagé vers la trajectoire bas carbone d’après le Haut Conseil pour le Climat.
  • L’agriculture est aussi le secteur économique le plus exposé aux conséquences du changement climatique, la politique agricole commune n’ayant jusqu’à présent absolument pas contribué à engager l’agriculture sur la voie de l'adaptation. Cette réforme ne fera malheureusement pas exception. 

Alors que le ministre de l’agriculture prétend vouloir appuyer son action sur « la raison et la science », il ne cesse d’ignorer les faits qui lui sont présentés et dont il avait bien connaissance lors du diagnostic préalable à la construction du PSN qu’il a réalisé en 2020. 

Les attentes des citoyens ignorés

L'environnement était pourtant au centre des demandes citoyennes lors du débat organisé en 2020 par la Commission Nationale du Débat Public.

En plus d’ignorer la science, le gouvernement fait le choix d’ignorer les attentes des citoyens qui demandent que l’argent public soutienne davantage les agriculteurs engagés dans la transition écologique. En effet, en 2020, la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) avait organisé un débat pour demander aux citoyens de se prononcer sur les orientations prioritaires, selon eux, pour la nouvelle politique agricole nationale. Lutte contre le changement climatique, protection des ressources naturelles, préservation de la biodiversité : ce sont ces objectifs environnementaux qui ont été largement priorisés par les citoyens. 

Le WWF demande une PAC tournée vers la transition agroécologique qui profite à l’environnement et aux agriculteurs

Cette situation est d’autant plus inacceptable que des milliers d’agriculteurs s’engagent au quotidien pour porter la transition écologique de notre modèle agricole. En ouvrant l’éco-régime à la quasi-totalité des exploitants ou en ne différenciant pas le niveau de paiement entre les agriculteurs certifiés Haute Valeur Environnementale et Agriculture Biologique, le gouvernement va pénaliser les agriculteurs engagés en agriculture biologique dont les pratiques sont beaucoup plus exigeantes et profitent davantage à l’intérêt général. Avant d’être validé, le PSN doit encore passer les obstacles de l’autorité environnementale et de la Commission européenne, qui devront rappeler les recommandations scientifiques. Dès maintenant, le  WWF France appelle donc le gouvernement à retravailler ses arbitrages et à tenir compte des faits scientifiques et attentes citoyennes pour proposer un PSN qui accélère réellement la transition agro-écologique.