Pour sauver la taxonomie, le Parlement européen et le Conseil doivent impérativement retirer le gaz et le nucléaire
La Commission européenne a cédé aujourd'hui à la pression de la France et d'autres pays, en publiant le deuxième acte délégué de la taxonomie qui, s’il est adopté, pourrait saper l’ensemble de la taxonomie verte et profondément remettre en cause l'action environnementale de l'Union européenne.
Nous appelons les membres du Parlement européen a rejeter cet accord qui risque de torpiller l’ambition du Green Deal !
La Commission classe ainsi officiellement le gaz fossile et l'énergie nucléaire comme durables dans la taxonomie européenne - censée être le guide des investissements verts de l'Union européenne- alors que le gaz fossile est très émetteur et que le nucléaire génère des déchets hautement radioactifs qu’on ne sait toujours pas gérer. Ce qui place la taxonomie verte très en deçà du marché des obligations vertes, qui exclut déjà le gaz et le nucléaire et risque d'orienter des milliards d'euros vers ces industries néfastes. Il y a une semaine, le groupe d’experts de la Plateforme finance durable de la Commission a rendu un rapport très critique sur la proposition de la Commission de classer le gaz fossile et le nucléaire parmi les investissements “durables”.
En incluant le gaz fossile et le nucléaire, la proposition de la Commission porte atteinte à une exigence de la taxonomie : être fondée sur l'exactitude scientifique dans ce qui définit la “durabilité” d’une activité. Ces nouveaux critères sont donc incompatibles avec le règlement. Le WWF appelle le Parlement européen et le Conseil, qui ont chacun le pouvoir d’accepter ou non la proposition, à la rejeter.
"L'énorme pression exercée par les industries favorites de certains gouvernements européens a abouti à cette proposition. En l’état, l’acte délégué adopté aujourd'hui par la Commission va dresser le secteur financier contre la planète. Il est impératif que le Parlement européen et le Conseil la rejettent." - Ester Asin, directrice générale du WWF European Policy Office
La France fait pression depuis des mois pour que l'énergie nucléaire soit incluse comme énergie durable dans la taxonomie. En échange du soutien de la Pologne, de la Hongrie, de la République tchèque et de la Slovaquie sur l'énergie nucléaire, le gouvernement français a accepté de soutenir, de manière proactive, l’inclusion du gaz fossile qui est aussi sans fondement scientifique en termes de durabilité. L'Allemagne soutient quant à elle l'inclusion du gaz malgré tout fondement scientifique, mais s'oppose au nucléaire. Cette position n’a pas aidé à faire échouer le “deal” entre les Etats pro-gaziers et pro-nucléaires.
L'Espagne fait partie des pays qui ont fait le choix de la science en s'opposant à l'inclusion du gaz et du nucléaire, tandis qu'un groupe d'États membres comme le Luxembourg, le Portugal, le Danemark et l'Autriche s'oppose à l’intégration du nucléaire dans la taxonomie. Le gouvernement autrichien a, quant à lui, annoncé saisir la Cour de Justice Européenne si l’énergie nucléaire était incluse dans la taxonomie. Alors que certains États membres ont été impliqués dans la rédaction de la proposition, le Parlement européen - et les citoyens - ont été complètement exclus du processus.
"Ce nouvel acte est un échec pour l’Union européenne. D’un côté, la France est à la manœuvre depuis le début sur cette opération qui vient ternir encore son bilan environnemental et nuire au Green Deal européen. L’accord qu’elle a conclu avec les cancres européens du climat pourrait orienter des milliards d’euros d’investissements vers les énergies du passé au détriment des énergies renouvelables. Sa crédibilité est sur la sellette au moment où la France vient de prendre la présidence du Conseil de l’Union européenne. De l’autre, l’Allemagne en appuyant une position non fondée sur la science concernant la gaz fossile a facilité la conclusion de cet accord. Nous appelons les membres du Parlement européen a rejeter cet accord qui risque de torpiller l’ambition du Green Deal !" - Pierre Cannet, directeur du plaidoyer et des campagnes au WWF France
De nombreux investisseurs et banques ont déjà fait savoir qu'ils ne soutiendraient pas une taxonomie "greenwashée". La proposition d'aujourd'hui va fragmenter le marché de la finance, alors que précisément l’objectif de la taxonomie est d’unifier l’approche des marchés, et ralentir la transition.
"La Commission européenne a autorisé les Etats membres à abattre la taxonomie. Ce fiasco va créer un énorme capharnaüm sur les marchés financiers. Du point de vue scientifique, cet acte est une fraude et il doit être rejeté pour protéger la crédibilité de l’ensemble de la taxonomie. Aucune institution financière ne devrait s’appuyer sur cet acte pour prendre des décisions en matière d’investissements durables, car elle s'exposerait à des risques de greenwashing, d'atteinte à la réputation, d'actifs échoués et de complications juridiques." - Sébastien Godinot, économiste au WWF European Policy Office
"A l’aide d’un processus honteux, la Commission européenne s'est livrée à un chantage politique avec les gouvernements européens. L’acte final, sur les critères relatifs au gaz et au nucléaire, est encore pire que le projet dénoncé par le groupe d’experts de la Commission. En mettant la barre en deçà du marché des obligations vertes qui exclut déjà le gaz et le nucléaire, l'UE est sur le point de perdre son leadership en matière de finance verte et d'envoyer un signal totalement contre-productif au niveau mondial. Le Parlement européen a été traité comme une institution de second rang, il ne peut pas se contenter d'approuver cette décision des gouvernements européens : il doit rejeter cet acte." - Henry Eviston, Responsable finance durable au WWF European Policy Office