Baby boom chez les saïgas
Plus de 500 nouveaux-nés recensés en 2020, contre à peine quatre en 2019. Au Kazakhstan, la natalité des antilopes saïgas a connu un véritable essor, signe que les efforts de conservation, notamment l’action du WWF en Mongolie, portent leurs fruits.
Au bord du gouffre
En 2010, 12 000 antilopes saïgas (Saiga tatarica) sont mortes en quatre jours, victimes d'une épizootie.
Son museau renflé, évoquant la trompe d’un éléphant, lui sert à filtrer la poussière du désert soulevée du sol afin qu’elle n’atteigne pas ses poumons. Quant à ses longues pattes, elles constituent un atout précieux pour braver son existence nomade. Les migrations de la saïga sont, en effet, spectaculaires. Autrefois, cette antilope au physique atypique vivait dans les steppes et les régions semi-désertiques d’Europe du Sud-est et en Asie centrale. Aujourd'hui, il ne reste plus qu’une population en Russie et trois autres au Kazakhstan.
En cause, la perte d’habitat liée à l’extension agricole, les hivers trop rigoureux et les étés sans eau, mais aussi le braconnage. Si les deux sexes sont chassés pour la viande, les mâles sont également tués pour la vente de leurs cornes, utilisées principalement dans la médecine traditionnelle chinoise. Les antilopes saïgas sont, par ailleurs, régulièrement victimes de graves épizooties, épidémies frappant les animaux. En 2010, en l’espace de quatre jours seulement, près de 12 000 antilopes sont mortes. A la fin du siècle dernier, l'UICN classe la population de saïgas en « danger critique d'extinction » car elle ne compte déjà plus que 50 000 animaux contre près de 2 millions dans les années 1950.
Une feuille de route pour restaurer l’espèce
Depuis 1994, le WWF se mobilise pour protéger cette espèce emblématique. Nous avons notamment contribué à la création d’un mémorandum, un instrument intergouvernemental dédié à la conservation des saïgas dans les cinq États de l’aire de répartition de l’espèce : la Fédération de Russie, le Kazakhstan, la Mongolie, l’Ouzbékistan et le Turkménistan. En vigueur depuis 2006, il a été signé par tous les États susceptibles d’abriter l’espèce migratrice, ainsi que par neuf organisations, dont le WWF.
Au-delà de ce mémorandum, nous travaillons au développement d’alternatives économiques afin d’aider les communautés locales à trouver d’autres sources de revenus que la chasse des antilopes. Enfin, en collaboration avec le gouvernement et d’autres partenaires locaux, nous apportons notre soutien aux habitants des steppes de Betpak-Dala (Kazakhstan) qui luttent contre le braconnage.
Un boom des naissances
Le recensement permet de renseigner sur l’état de la population d'antilopes saïgas (Saiga tatarica) mais aussi d'en apprendre davantage sur leurs modes de vie.
En 2007, face au déclin préoccupant de l’espèce, le Kazakhstan décide de recenser sa population d’antilope saïga. Depuis, chaque printemps, des équipes de scientifiques passent le plateau d'Oust-Ourt au peigne fin, afin d’évaluer le nombre de nouveaux-nés. Et cela fait plusieurs décennies que le décompte n’est pas optimiste. En 2018, les scientifiques identifient 58 juvéniles dans les steppes du sud-ouest du pays. En 2019, seules quatre naissances sont mises en évidence !!
Mais à la surprise générale, le recensement mené en 2020 fait état de 530 saïgas juvéniles… Ce boom de la natalité est évidemment une excellente nouvelle pour l’espèce car chaque naissance l’éloigne un peu plus de l’extinction à laquelle elle semblait pourtant promise, il y a peu. Autre signe encourageant, l’agrégation des spécimens adultes ayant mis bas est la plus importante jamais constatée depuis 10 ans. La sociabilité offrant des avantages évolutifs face aux pressions environnementales, ce regroupement des animaux est de bon augure pour l’avenir de l’espèce dans la région. Outre l'avantage de nous renseigner sur l’état de leur population, le recensement nous permet d’en apprendre davantage sur les modes de vie des saïgas.
Chaque année, les scientifiques découvrent quelque chose de nouveau. Récemment, en constatant l’absence de femelles dans un troupeau de plusieurs milliers d’antilopes, ils sont parvenus à la conclusion que pendant la saison de vêlage, les mâles suivaient leur propre chemin. Quoi qu’il en soit, la saïga nous donne une belle leçon de résilience et offre un démenti au sombre pronostic qui la condamnait à disparaître. Si elle n’est pas, pour autant, définitivement sortie d’affaire, elle s’octroie clairement, pour notre plus grand bonheur, un sursis !