Sécheresse : comprendre pour agir
Depuis l’été 2022, le spectre de la pénurie d’eau nous hante. Après un hiver particulièrement sec, notre pays a été placé "en état d'alerte". Quelles sont les causes et les conséquences de la sécheresse en France?
Et surtout, comment faire face collectivement et individuellement à ce phénomène devenu récurrent ?
Pour approfondir le sujet :
sécheresseLe fléau de la sécheresse
Le 1er juillet 2023, 68% des nappes françaises étaient sous les normales attendues à une telle période, mettant en péril tous les usages de l’eau.
La sécheresse qu’a connue l’Europe en 2022, et particulièrement la France, est probablement la plus sévère depuis au moins un demi-siècle, conjuguant faibles précipitations et températures records. Dans certains territoires, la faible disponibilité de la ressource en eau est devenue critique au point de menacer l’approvisionnement en eau potable. Plusieurs communes ont dû se faire livrer de l’eau par camions-citernes.
Dans les départements en situation de crise, les agriculteurs n’avaient plus le droit d’irriguer. Certains ont déploré des pertes de production. Dès la belle saison, de nombreux éleveurs ont dû piocher dans leurs réserves de fourrage d’hiver pour nourrir leur bétail car les prés étaient trop secs.
Le faible débit des rivières affecte également la production électrique des barrages, qui constituent pourtant la première source d’électricité renouvelable en France. Quant aux centrales nucléaires, si les rivières dont elles se servent pour refroidir leurs installations ont un niveau trop bas, elles devront diminuer leur production, voire la mettre à l’arrêt.
La biodiversité est, elle aussi, directement impactée. Dans les milieux aquatiques, les espèces souffrent de la détérioration de la qualité de l’eau suite à l’échauffement et à la moindre dilution des pollutions. La quantité d’oxygène diminue et des algues prolifèrent, ce qui peut être mortel pour les poissons, amphibiens, insectes ou encore crustacés. La végétation pâtit également de l’assèchement des sols. Elle se fragilise et devient plus sensible, notamment aux feux de forêt…
Après un été 2022 marqué par la sécheresse, celle-ci s’est malheureusement poursuivie en hiver avec un déficit de pluie efficace sur une partie du territoire métropolitain. On appelle pluies efficaces les précipitations qui contribuent réellement à recharger les nappes souterraines car elles tombent durant les saisons fraîches, périodes durant lesquelles l'eau n'est pas immédiatement utilisée par les plantes et évaporée. Résultat, au 1er juillet 2023, 68% des nappes françaises étaient sous les normales attendues à une telle période, mettant en péril tous les usages de l’eau.
La sécheresse doit être distinguée de deux notions :
Le stress hydrique
On parle de stress hydrique lorsque la quantité d’eau disponible en un temps et un lieu donné est inférieure à la demande pour satisfaire les différents usages. On considère qu’un pays est en situation de stress hydrique lorsque sa population dispose de moins de 1 700 mètres cubes d’eau par habitant et par an. A ce jour, en France, le total des ressources disponibles représente 3262 m3 par personne et par an.
La pénurie d'eau
On parle de pénurie d’eau en cas de stress hydrique aggravé, lorsque la population d’un pays dispose de moins de 1 000 mètres cubes d’eau par habitant et par an.
Des facteurs conjugués
La sécheresse a des impacts importants sur l’environnement, l’agriculture et certains autres secteurs de l’économie.
La sécheresse est certes directement corrélée à la météorologie des derniers mois, voire des dernières années. Toutefois, elle est clairement aggravée par les activités humaines.
- L’aménagement du territoire, au travers de l’artificialisation des sols et de l’intensification de l’agriculture, est lui aussi en cause. Il a longtemps visé l’évacuation des eaux le plus rapidement possible de nos villes et de nos campagnes, favorisant le ruissellement au détriment de l’infiltration et de la recharge des nappes.
- Le changement climatique accentue la problématique. Avec le réchauffement, la disponibilité de la ressource en eau va baisser de manière variée sur les territoires. Un récent rapport constate qu'entre les périodes 1990-2001 et 2002-2018, la ressource en eau renouvelable a diminué de 14 % en France. Et les projections indiquent une baisse de 10 à 25% en moyenne de la recharge des nappes, de 10 à 40% du débit moyen annuel des cours d’eau et 30 à 60 % des débits estivaux d’ici 2070.
- Enfin, nos prélèvements excessifs ont une grande part de responsabilité. En France, 26% de l’eau est consommée pour couvrir les besoins en eau potable des particuliers mais aussi des activités économiques raccordées au réseau de ville (bureaux, commerces etc.) et des collectivités locales (arrosage des parcs, jardins, stades de sport, lavage des rues etc.), 12% pour le refroidissement des centrales électriques et 5% pour les prélèvements industriels directs. Tout le reste, soit 57%, est utilisé pour l’agriculture ! Sur certains territoires, cette dernière capte plus de 80% des prélèvements en été, au moment où l’on en manque le plus cruellement, pour irriguer moins de 7% des terres agricoles...
Agir à l'échelle collective
Face à la sécheresse des mesures d’urgence sont mises en place pour préserver les usages prioritaires que sont, d’abord, l’eau potable, l’hygiène et la sécurité puis la biodiversité. Les arrêtés “sécheresse” permettent cette gestion, à l’échelle départementale, en restreignant les activités consommatrices d’eau selon le niveau de la rivière ou de la nappe souterraine. Quatre niveaux existent allant de “vigilance” (autolimitation) à “crise” (interdiction de nombreux usages hors ceux prioritaires). Les restrictions peuvent demander une baisse de consommation, voire une interdiction ou réguler les horaires d’utilisation, par exemple contraindre à l’irrigation de nuit.
Actions à plus long terme
- Faire preuve de sobriété dans les usages agricoles en favorisant les cultures moins gourmandes en eau et en mettant en œuvre des outils de pilotage de l'irrigation.
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Développer l'agroécologie en diversifiant les cultures, en réduisant le travail des sols et en les couvrant, mais aussi en soutenant les transitions vers des systèmes plus autonomes et économes en intrants de synthèse (pesticides et engrais azotés).
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Déployer les solutions fondées sur la nature, telles que la restauration des rivières et des zones humides ou la replantation de haies ;
L'ensemble vise d'une part à diminuer la vulnérabilité des exploitations en conservant l'eau dans les territoires et, d'autre part, à améliorer la ressource en eau (quantité et qualité) en ralentissant les écoulements et en favorisant l'infiltration.