Les garimpeiros (adeptes des pratiques d'orpaillage illégal) contribuent fortement à la déforestation de l'Amazonie (Guyane française et Suriname)
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25. mars 2024 — Communiqué de presse

Coopération transfrontalière : la grande oubliée des politiques françaises de préservation de la biodiversité en Guyane

Alors que le Président de la République, Emmanuel Macron, vient d’arriver en Guyane pour un voyage officiel avant de se rendre au Brésil, le WWF alerte sur deux fléaux qui continuent de menacer une des biodiversités parmi les plus riches du territoire français : l’orpaillage illégal et la pêche illégale. Afin de mettre un terme à ces menaces, le seul véritable levier à actionner reste celui d’une coopération transfrontalière effective.

L’orpaillage illégal, de fausses solutions aux vrais leviers

La déforestation liée à l'orpaillage génère un impact significatif sur la biodiversité : baisse de la biodiversité aquatique (-25% des espèces de poissons) et très forte baisse de la biodiversité terrestre (-41% des espèces). 

Un constat perdure : près de sept ans après la dernière visite présidentielle, trois ans après une commission d’enquête parlementaire dédiée et malgré le dévouement sans faille des personnels impliqués dans la préservation de la forêt amazonienne guyanaise, l’estimation de 400 sites miniers illégaux, réclamée depuis 5 ans et enfin rendue publique le mois dernier par la préfecture, ne traduit aucune amélioration significative

Cette menace continue de peser sur les populations (dégradation de leur territoire, contamination au mercure via la contamination du fleuve) mais aussi sur la biodiversité. Une étude portant spécifiquement sur la région du Maroni, là où l’orpaillage illégal est le plus virulent, montre qu’une déforestation, même considérée comme faible génère un impact significatif sur la biodiversité même à plusieurs dizaines de kilomètres de distance : baisse de la biodiversité aquatique (-25% des espèces de poissons), très forte baisse de la biodiversité terrestre (-41% des espèces). 

Afin d’enrayer ce problème, la solution visant à faire de l’installation d’exploitants légaux un moyen de lutte contre l’orpaillage illégal refait surface. Le WWF France publie ce jour une note (à télécharger ici ou en bas de page) analysant les données tout récemment rendues publiques pour mettre la lumière sur cette fausse solution. En effet, cette approche se confronte à des limites factuelles :

  • La seule présence d’opérateurs miniers n’a jamais démontré d’effet repoussoir sur les chantiers clandestins alentour. Entre 2013 et 2022, 50% des mines officielles se situent en moyenne à moins de 4km d'un site illégal
  • Le postulat qu’une exploitation légale sera à même « d’épuiser le gisement » d’un site, ce qui lui ferait perdre toute attractivité aux yeux des clandestins, est invalidé par le phénomène  de “repasse” (exploitation illégale d’un gisement précédemment exploité légalement) couramment observé  

Alors que 95% des orpailleurs illégaux viennent du Brésil et 80% de l’équipement du Suriname, le levier à activer est la coopération transfrontalière avec des opérations conjointes sur le terrain doublées d'une coopération judiciaire comme l'avait souligné le président de la République lors de sa dernière visite en Guyane (2017) : "Nous devons amplifier la coopération régionale, afin de mieux lutter contre l'arrivée des hommes et du matériel quasiment tous en provenance des pays limitrophes (...) Nous devons donc conditionner nos aides et nos relations diplomatiques avec nos 2 voisins en particulier, par aussi une coopération policière et judiciaire contre l'orpaillage illégal" - engagement hélas resté quasi lettre morte sur le terrain.

Le secteur de la pêche guyanaise étouffé par la pêche illégale

"En complément du nécessaire renforcement des efforts de lutte locaux, l’opportunité majeure d’inversion de ces tendances réside dans la responsabilisation des pays directement concernés par le maintien de ces fléaux : le Suriname et le Brésil."

Laurent Kelle

La France a une importante responsabilité écologique en Guyane en raison des espèces protégées présentes dans ses eaux, qu’elle s’est engagée à protéger à travers plusieurs conventions internationales. Sa responsabilité est majeure concernant la tortue luth, espèce classée en voie de disparition : dans l’Ouest Guyanais, qui hébergeait à la fin des années 1990 40% de la population mondiale reproductrice, le nombre de pontes est passé de 5000 par an pendant les années 2000 à 106 en 2023, soit un déclin de 97%. 

La pêche illégale étrangère est en grande partie responsable de ce déclin, en raison de leurs filets maillants dérivants de plus de 4km de long qui sont des pièges pour les grands vertébrés. Les flottes de pêche originaires du Guyana, du Suriname et du Brésil sont observées quotidiennement dans les eaux territoriales françaises..

Alors qu'une évaluation officielle de cette pression sera rendue publique en  juin - la dernière remontant à 2012 ce qui soulève un problème de transparence des données - , ce samedi 23 mars, les équipes du WWF France et du Comité des Pêches ont survolé l’Ouest guyanais et pu constater la présence de 39 tapouilles surinamaises dans les eaux territoriales françaises. En surexploitant la ressource halieutique, elles mettent à risque les principaux stocks ainsi que la souveraineté alimentaire du territoire, et placent en grande difficulté la filière locale. 

“Aujourd’hui, l'orpaillage illégal et la pêche illégale perdurent à haute intensité, et sont traités comme s’il s’agissait de problématiques locales, entraînant des réponses organisées à la seule échelle de la Guyane française. Or, il est clairement établi que ces pressions trouvent leurs origines dans les pays voisins (Suriname et Brésil), et y bénéficient d’une logistique bien rodée, qui s’est depuis longtemps adaptée aux efforts de lutte français

En mer, les navires illégaux continuent de rentrer jusqu’à 100 km à l’intérieur des eaux françaises. Sur terre, des sites miniers illégaux se trouvent maintenant à moins de 50 km de l’ensemble des grandes villes (Cayenne, Kourou, Saint Laurent du Maroni), tout en demeurant très installés au sein du Parc amazonien de Guyane (112 sites début 2024). 

En complément du nécessaire renforcement des efforts de lutte locaux, l’opportunité majeure d’inversion de ces tendances réside dans la responsabilisation des pays directement concernés par le maintien de ces fléaux : le Suriname et le Brésil.” - Laurent Kelle, responsable du bureau Guyane du WWF France

Etang dans la forêt des malgaches (Guyane Française)

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