Seconde chance pour les orangs-outans de Bornéo
Réserve de Bukit Piton, Malaisie. La restauration d’une forêt indigène porte ses fruits. La population d’orangs-outans se stabilise et conquiert même de nouveaux espaces. Petit à petit, l’espèce reprend ses droits.
Un paradis en péril
Les îles de Sumatra et de Bornéo sont les seuls endroits au monde qui hébergent des orangs-outans sauvages.
En terme de biodiversité, peu d'endroits peuvent rivaliser avec Bornéo. La troisième plus grande île du monde abrite au moins 222 mammifères, 420 oiseaux, 100 amphibiens, 394 poissons et quelque 15 000 espèces de plantes. La plupart sont endémiques, ce qui signifie qu’on ne les trouve nulle part ailleurs. Avec l'île voisine de Sumatra, Bornéo est le seul endroit au monde qui héberge des orangs-outans sauvages.
Mais alors que les forêts de l’île ont été dégradées par l’exploitation forestière et défrichées pour les plantations de palmiers à huile, l’orang-outan a perdu de vastes pans de son habitat. Sa population a alors chuté drastiquement, diminuant de plus de moitié en 40 ans. L’espèce est désormais en danger critique d'extinction. Dans la partie malaisienne de l’île, le paysage d'Ulu Segama-Malua a été fortement exploité depuis les années 1980 et la forêt dégradée, devenue encore plus vulnérable, a été ravagée par les incendies. En 2006, il ne restait plus que quelques fragments épars de ce qui était autrefois une riche forêt pluviale de plaine. Pourtant, lorsque le WWF Malaisie et le Département de la faune de Sabah ont survolé la zone, ils ont découvert des nids d'orangs-outans, preuve irréfutable que les grands singes étaient toujours présents dans cette zone. Mais avec les plantations de palmiers à huile d'un côté et la rivière Segama de l'autre, ils étaient coupés des autres populations d'orangs-outans. Or, une espèce isolée dans un habitat dégradé n’est pas viable sur le long terme.
Redonner un avenir aux orangs-outans
C'est le nombre d'arbres plantés dans le cadre du programme de restauration forestière de Bukit Piton
En 2007, le WWF lance un programme de restauration forestière au sein de Bukit Piton, en collaboration avec la Fondation Sabah, la Fondation Sime Darby et le Département forestier du Sabah. Les efforts sont concentrés sur un site pilote de 2 400 hectares. Près de 350 000 arbres indigènes sont plantés au cours des 12 dernières années, parmi lesquelles des espèces pionnières - des arbres robustes qui ne craignent pas le plein soleil, peuvent pousser sur des sols pauvres et fournissent l'ombre dont les autres espèces ont besoin. Mais aussi des arbres fruitiers, rigoureusement sélectionnés pour approvisionner les orangs-outans en nourriture ainsi que d'autres espèces, comme les calaos, ces drôles d’oiseaux à casque rond - qui à leur tour dispersent les graines d'une forêt à l'autre, favorisant ainsi la régénération naturelle du paysage.
Au total, les équipes du WWF plantent 55 espèces d'arbres indigènes différentes, soit à peu près la moitié de toutes les espèces de ligneux de France métropolitaine. Si l’objectif principal était de restaurer l'habitat des orangs-outans, ce projet profitera également à de nombreuses autres espèces.
Un nouveau souffle
Aujourd'hui la forêt de Bukit Piton ressuscite. Climat tropical oblige, les arbres qui ont été plantés il y a 10 ans ont vite grandi et commencent même à fructifier. Chose encourageante, les orangs-outans utilisent déjà les zones reboisées pour se déplacer et se nourrir et y construisent même leurs nids au sommet des plus grands arbres. La population s'est stabilisée. La récurrence des observations, en particulier de bébés orangs-outans, suggère même une augmentation des effectifs en cours.
Ce projet de restauration offre une seconde chance à la forêt mais aussi à ses habitants sauvages. Le WWF vient d’ailleurs de publier un rapport détaillant les enseignement tirés de 12 ans de restauration des forêts à Bukit Piton - le dernier d'une série d’études sur les projets de restauration des paysages forestiers menés par le WWF dans le monde. Oui, restaurer des forêts dégradées est efficace pour freiner l’érosion du vivant et donner un souffle nouveau à tout un écosystème. Le reste du monde ferait d’ailleurs bien de s’inspirer de cet ambitieux projet.
A ce jour, le paysage d'Ulu Segama-Malua abriterait environ 3 400 orangs-outans, dont à peu près 300 dans la réserve de Bukit Piton.