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28. novembre 2023 — Communiqué de presse

Stratégie Nationale Biodiversité : un cadre pour l’action à renforcer sur l’agriculture mais aussi la forêt

Ce lundi 27 novembre, la Première ministre a rendu publique la Stratégie Nationale Biodiversité 2030 qui est le plan de la France pour atteindre les objectifs du Cadre mondial de la biodiversité adopté il y a moins d’un an à Montréal. S’il faut saluer le travail accompli par le gouvernement, qui a pris le temps de la concertation et compris l’enjeu essentiel du financement, le WWF France regrette la faiblesse de la stratégie sur l’agriculture alors qu’elle représente pourtant près de 7 milliards de subventions néfastes à la biodiversité par an.

C'est le montant, en euros, des moyens accordés à la SNB. 

Nous saluons le travail du gouvernement : pour la première fois, même si les détails ne sont pas encore connus, la SNB sera dotée de moyens avec 264 millions d’euros. Il faut désormais que ces moyens suivent une trajectoire à la hausse, conformément aux besoins évalués par le rapport des inspections sur le sujet.

Le WWF France se félicite également que ses propositions pour intégrer pleinement les entreprises dans la SNB aient été en partie reprises. En effet, cette dernière prévoit de mesurer l’engagement des entreprises grâce au suivi du nombre d’entreprises dotées d’un plan de transition biodiversité et à un bilan d’application du nouveau reporting biodiversité; elle prévoit aussi de soutenir les démarches alignées sur la science, en particulier le cadre SBTN et la comptabilité écologique. Il conviendra de rester attentif à la mise en oeuvre de ces plans de transition et, par ailleurs, à ne pas renverser la logique des services écosystémiques. En effet, l'urgence en matière de biodiversité n'est pas de définir la valeur utilitaire de la nature, mais de définir le "bon état écologique" de tous les types d’écosystèmes, pour garantir leur fonctionnement et leur résilience, au profit de tous sur le long-terme.

Enfin, nous accueillons positivement  la mise en place d’une meilleure gouvernance avec une SNB dotée d’indicateurs de suivi et placée sous la supervision du Secrétariat général à la Planification écologique. Puisqu’elle a été présentée par la Première ministre, elle est, en effet, censée être profondément interministérielle.

"Si elle n’intègre pas mieux l’agriculture dans sa stratégie pour la biodiversité, la France échouera à atteindre en 2030 8 des 23 cibles du cadre mondial de la biodiversité."

Jean Burkard, directeur du plaidoyer du WWF France

Or, le talon d’Achille de la SNB demeure l’agriculture. Malgré l’ambition affichée sur les haies ou les légumineuses, l’ajout d’une action (insuffisante) sur les prairies ou la réaffirmation de la réduction de 50% des pesticides d’ici 2030, la stratégie renvoie la question des subventions agricoles dommageables à la biodiversité à une nouvelle mission d’inspection des services de l’Etat, moins d’un an après une première mission IGF/IGEDD qui les avait chiffrées à près de 7 milliards d’euros. Cette mission devrait éclairer la révision du Plan Stratégique National (PSN), par lequel la France met en œuvre la PAC, annoncée pour 2025. Pour cela et pour ne pas perdre davantage de temps, il est indispensable que cette nouvelle mission soit lancée dès janvier 2024 et  propose un plan de réduction de ces subventions dommageables.

Si elle n’intègre pas mieux l’agriculture dans sa stratégie pour la biodiversité, la France échouera à atteindre en 2030 8 des 23 cibles du cadre mondial de la biodiversité, sur lequel elle s’est pourtant engagée il y a moins d’un an. Pire : elle met en scène un devoir de protection de la nature tout en maintenant un droit à sa destruction. Nous nous retrouvons dans une situation où l’argent public s’efforce de colmater à petite échelle les trous qu’il a lui-même creusé.
Jean Burkard, directeur du plaidoyer du WWF France

Forêt de Maramures (Roumanie)
Forêt tropicale Equateurienne
Forêt amazonienne

De même, les indicateurs mis en avant pour les forêts semblent en décalage avec les ambitions affichées. L’intégration de la biodiversité dans la gestion forestière reste insuffisante au regard des surfaces concernées. L’objectif du Président de la République de planter un milliard d’arbres a été conservé, en précisant simplement que ces arbres devraient être “adaptés” au changement climatique, ce qui ne dit rien de leur adaptation aux espaces naturels dans lesquels ils doivent être plantés et donc de leur résilience. 

Autre exemple, enfin, avec la lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane : si la SNB va dans le bon sens en soulignant l’importance du volet diplomatique et de la coopération bilatérale avec les Etats voisins, elle annonce, de façon totalement paradoxale, le "soutien d'une activité minière légale" parmi les moyens de lutte, alors même que ces activités n'ont jamais entravé l'expansion des illégaux (stratégie testée il y a plusieurs années et abandonnée faute de résultats probants...), et occasionnent des impacts majeurs sur les écosystèmes. 

Les haies abritent de nombreuses espèces d'oiseaux

Une biodiversité plus grande

Par leur fraîcheur et leurs branchages, les haies constituent des corridors écologiques précieux qui peuvent abriter de très nombreuses espèces, dont certaines avaient tendance ces derniers temps à disparaître.