À la rencontre du fantôme de l’Asie

On le surnomme le « fantôme des montagnes » ou encore « once », qui signifie une fois en anglais, tant il est rare de le croiser… Il faut dire que le léopard des neiges vit entre 2 500 et 5 500 m au-dessus du niveau de la mer, sur les pentes escarpées des sommets d’Asie, autrement dit dans des zones peu accessibles pour le commun des mortels. 

Hélas, il en faut plus pour décourager les braconniers ! Convoité pour sa fourrure et ses os, utilisés dans la médecine chinoise, le fauve est pourchassé. L’autre cause du déclin de l’espèce, c’est la dégradation de son habitat naturel, sur lequel l’homme empiète de plus en plus.

Enfin, l’augmentation de la fréquence des conflits avec les communautés locales menace la survie de l’espèce. Ses proies, elles-aussi braconnées, se raréfient. Pour se nourrir, le léopard des neiges a tendance à se rabattre sur les animaux d'élevage et est tué à son tour par des éleveurs contraints de protéger leurs bêtes. Présent dans douze pays, le léopard des neiges est menacé dans chacun d’entre eux.

En 2013, avec la Déclaration Bichkek, les représentants de 12 États de l'Asie centrale et de l'Asie du Sud ont pris l'engagement historique de protéger le félin tacheté ainsi que son habitat, les massifs montagneux de l'Asie. En 2015, le WWF adopte un plan d’action spécifique définissant sa propre contribution à l’initiative mondiale en faveur de la protection du léopard des neiges. 

Concrètement, nous nous mobilisons pour freiner les différents projets d’aménagement susceptibles de réduire son territoire. En Asie centrale, nous nous efforçons de réduire les conflits entre le léopard et les populations locales, via la construction de bergeries notamment pour mieux protéger les troupeaux domestiques face au risque de prédation exercé par le grand carnivore. 

Enfin, nous récoltons de précieuses informations sur la vie du félin grâce à des systèmes de pièges photos ("camera trap") installés en pleine nature. Car mieux connaître, c’est mieux protéger. 

Luo Xiaoyun a commencé à photographier la faune sauvage en 2013. Il s'est donné pour mission d’immortaliser l'incroyable biodiversité du plateau tibétain. Tandis que tout le monde cherche à percer le mystère du léopard des neiges, lui, l’a déjà croisé une centaine de fois, réussissant à documenter, au travers de ses clichés, des comportements du félin jusqu’alors méconnus des scientifiques.  

Au fil des années, le dévouement et la concentration de Luo lui ont valu des récompenses prestigieuses, tels que le prix du photographe animalier de l'année (2021) et la première place au concours annuel de photographie animalière chinoise (2021, 2022). En 2023, il a rejoint le WWF en tant que photographe. Depuis, il contribue, activement, au travers de ses photographies, à faire progresser notre niveau de connaissance sur les modes de vie de l’espèce et les menaces qui pèsent sur elle, éclairant nos décisions et nos stratégies de conservation.

En effet, le WWF, qui possède des bureaux dans 8 des 12 pays de l'aire de répartition du léopard des neiges, se consacre depuis longtemps à la protection du félin. En Chine, un programme spécifique a été lancé dès 2016 car le pays compte la plus grande population de léopards des neiges : 60 % des léopards des neiges du monde résident dans les régions occidentales de la Chine, réparties dans les zones de haute altitude du Xinjiang, de la Mongolie intérieure, du Qinghai, du Gansu, du Sichuan et du Tibet. 

Mais en raison de l'étendue de l'aire de répartition et des hautes altitudes auxquelles vit le félin, la recherche est difficile et notre compréhension de ces animaux reste très limitée. Comme seulement 3 % de leur habitat ont fait l'objet d'études scientifiques à l'échelle mondiale, mettre en œuvre des mesures de conservation ciblées demeure particulièrement ardu.

C’est pourquoi les partenariats avec des professionnels comme Luo sont particulièrement précieux. Ils contribuent à combler notre manque de connaissances, chaque cliché, telle une pièce supplémentaire apportée au puzzle, venant constituer un nouvel indice pour nous aider à déchiffrer l’énigme de l’Asie…