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31. mars 2023

Coup de pouce pour les tortues luths

Un traité mondial historique a été signé par l’ONU pour protéger la haute mer. En créant un cadre pour préserver la vie marine et limiter les activités humaines néfastes aux océans, il offre un nouvel espoir de sauver les tortues luths.

Un déclin dramatique

Les tortues luths, 150 millions d'années d'existence.

Doyennes de nos océans, les tortues peuplent les fonds marins depuis plus de 150 millions d’années. Mais dans la dernière édition de notre rapport planète vivante, nous alertions sur le cas particulièrement dramatique des tortues luths, dont les populations ont  chuté de 60% en Atlantique nord. Dans l’Ouest de la Guyane, la situation est plus préoccupante encore puisque l’espèce a perdu 95% de ses effectifs en 20 ans.

En cause, la pêche illégale qui piège les femelles adultes, alors même qu’elles n’étaient pas ciblées, à laquelle viennent s’ajouter la destruction des sites de ponte liée à l’érosion du littoral, et le braconnage de leurs œufs. Sans oublier le changement climatique, qui met en péril la reproduction de l’espèce. Le sexe des embryons de tortue étant déterminés par la température, le nombre de femelles excède désormais celui des mâles

Il y a deux décennies, environ un millier de tortues luth venaient pondre chaque année au sein de l’estuaire du fleuve Maroni. En 2022, on estime que 10 à 20 femelles tortues luth ont fréquenté le même écosystème.

Tortue luth (Dermochelys coriacea) (Indonésie)

Le filet TED, l’ami des tortues

En douze ans, les captures accidentelles de tortues par les chalutiers ont baissé de 95%.

En Guyane, le WWF travaille avec le Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins pour tester des techniques de pêche à moindre impact sur les espèces non ciblées.

TED est l’abréviation de « Turtle Excluder Device ». En français, cela signifie « Dispositif d’exclusion des tortues ». Concrètement, ce système permet aux chalutiers crevettiers de relâcher les tortues marines par une trappe, tout en retenant les crevettes. En douze ans, grâce à ce dispositif, on estime que les captures accidentelles de tortues par les chalutiers ont baissé de 95 %  !

Testée depuis 2005, l’utilisation du filet TED est aujourd’hui obligatoire pour tout chalutier qui opère dans les eaux guyanaises. Le WWF se bat maintenant pour que la totalité des crevettes tropicales commercialisées sur le marché européen proviennent de pêcheries utilisant le système TED.

Tortue Luth en train de ramper sur le sable (Indonésie)
Tortue luth (Dermochelys coriacea) pondant sur une plage, Guyane française
Tortue luth (Dermochelys coriacea), Reserve nationale de Galib, Surinam

Dernière chance?

La haute mer commence à 370 km des côtes.

La haute mer représente plus de 60 % des océans. Elle commence là où s’arrêtent les zones économiques exclusives (ZEE) des États, à 370 km maximum des côtes. Sa protection tombe donc dans une sorte de vide juridique. Heureusement, le traité que la conférence intergouvernementale vient d’adopter sous l’égide des Nations unies, va enfin donner un cadre légal à la conservation et à l’usage de la diversité biologique marine au-delà des eaux territoriales. 

L'accord permettra la création d'aires marines protégées (AMP) en haute mer et devrait se traduire par une diminution de l'impact néfaste des activités qui s’y concentrent, échappant jusqu’ici à toute régulation : navigation, pêche industrielle et exploitation d'autres ressources sous-marines. En Guyane, ce traité redonne de l’espoir aux défenseurs des tortues marines, en particulier pour les tortues luths qui détiennent le triste record du déclin le plus avancé. En effet, en réduisant l'activité de pêche, il va permettre de limiter ses dommages collatéraux, les prises accessoires en tête. Un groupe de scientifiques et le WWF avaient  notamment publié une étude permettant d’identifier les zones où les risques d’interaction entre les palangres industrielles et les tortues sont les plus élevés. Ces cartographies concrètes pourraient permettre une application plus efficace du traité en faveur de cette espèce. 

L’accord représente donc une véritable opportunité de redonner un avenir aux tortues luths, pourvu que des moyens de contrôles d'AMP en haute mer soient mis en place, et surtout que les eaux territoriales soient bien mieux surveillées dans l'ouest de la Guyane, et au Suriname, puisque c'est là que se concentrent les femelles pendant leur phase de ponte, qui vient de commencer.

Jeunes tortues luth (Dermochelys coriacea) se précipitant vers la mer (Guyane)

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