20 ans d’alliance pour redonner souffle aux forêts
Depuis plus de vingt ans, le WWF et la tribu de Gööpâ unissent leurs forces pour préserver la forêt calédonienne. Témoin des débuts, notre présidente d’honneur Isabelle Autissier est revenue constater sur le terrain tout le chemin parcouru…
Pour approfondir le sujet :
Nouvelle-CalédonieGööpâ, au cœur d’un écosystème menacé
La Nouvelle-Calédonie abrite plus de 3 440 espèces végétales, dont près de 80 % sont endémiques, elles n’existent nulle part ailleurs sur la planète.
La Nouvelle-Calédonie abrite l’une des biodiversités les plus exceptionnelles de la planète. Héritière du supercontinent Gondwana, elle possède une flore dont plus de 76 % des espèces sont endémiques, et une faune tout aussi singulière, du cagou emblématique aux geckos géants, en passant par la roussette, cette impressionnante chauve-souris aux ailes d’un mètre d’envergure. Les forêts humides de moyenne altitude, comme celles qui entourent la tribu de Gööpâ (Gohapin), constituent de véritables sanctuaires : elles régulent le climat local, filtrent l’eau, nourrissent la pharmacopée traditionnelle et soutiennent les modes de vie kanak.
Gööpâ, adossée au massif de l’Aoupinié dans la Province Nord, rassemble près de 800 habitants – la tribu la plus peuplée de la région. Son nom, en païcî, signifie « qui dure dans le temps », un symbole fort de la relation intime et ancestrale qu’elle entretient avec la nature. Ici, l’interdépendance entre l’humain et la forêt n’est pas qu’un concept : c’est un mode de vie. Mais cet équilibre est fragilisé. Deux tiers des forêts humides ont disparu, les forêts sèches ne subsistent qu’à 2 % de leur surface originelle, les incendies ravagent chaque année plus de 20 000 hectares et les espèces invasives – à l’image du cerf de Java – bouleversent profondément les écosystèmes. Pour Gööpâ, dont la survie dépend directement de ces milieux, la préservation de la forêt est devenue un enjeu vital.
Agir pour les forêts, avec les communautés
Pour mettre en œuvre ces projets, une antenne permanente du WWF France a été créée en 2001 à Nouméa. L’équipe est soutenue par un formidable pool de bénévoles.
Face à l’urgence, le WWF mène depuis des années un ensemble d’actions pour préserver les forêts de Nouvelle-Calédonie et soutenir les communautés qui en dépendent. L’une des priorités concerne les forêts humides de la Chaîne Centrale, véritable château d’eau du territoire. Leur capacité à stocker l’eau, à limiter l’érosion et à réguler les flux hydrologiques en fait un pilier essentiel pour les habitants, l’agriculture et les milieux naturels.
Le WWF accompagne les populations locales dans des programmes de reboisement d’ampleur, avec la plantation d’espèces natives adaptées au territoire, issues de pépinières communautaires. En parallèle, nous menons des études scientifiques pour alerter les décideurs sur l’état de santé des forêts, notamment celui des périmètres de captage d’eau, et identifier les zones prioritaires de restauration. Cette expertise permet de cibler les actions les plus efficaces, là où les écosystèmes jouent un rôle clé pour s’adapter au changement climatique.
La sensibilisation du public constitue aussi un volet essentiel de notre action. Grâce aux médias locaux et aux initiatives de terrain, le WWF encourage les Calédoniens à s’impliquer dans la protection de leur patrimoine naturel.
Isabelle Autissier visite la pépinière communautaire de la tribu de Gööpâ et célèbre les 22 années du projet.
Une alliance de 20 ans… qui porte ses fruits
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Tout commence en 2003, lorsque la tribu de Gööpâ et le WWF décident d’unir leurs forces pour restaurer et protéger la forêt dont dépend la vie de la communauté. Dans le massif de l’Aoupinié, les ressources vitales, dont l’eau et une partie de l’identité culturelle proviennent de la nature. Préserver cet écosystème c’est donc préserver tout un mode de vie. Ensemble, nous avons commencé par créer une petite pépinière communautaire pour produire des plants d’essences locales et restaurer les zones dégradées. Au fil des années, cette initiative a grandi : la pépinière unique s’est transformée en un réseau d’une dizaine de pépinières capables de produire jusqu’à 25 000 plants par an, grâce à des techniques 100 % naturelles maîtrisées localement. Leur plus important captage a ainsi bénéficié de ces efforts, désormais mieux protégés grâce au reboisement et à la gestion communautaire. Ce savoir-faire est devenu un atout économique pour la tribu et un soutien à plusieurs projets de restauration du territoire. Ces plants indigènes ont ensuite alimenté plusieurs chantiers majeurs, dont le projet PERENNE, coordonné par le WWF, visant à restaurer la ripisylve* du fleuve Néra.
« En Calédonie, le taux d’endémisme est très élevé. Ici, quand une espèce disparaît, elle disparaît du monde. Chaque incendie peut effacer pour toujours des espèces uniques, une perte irréversible pour la nature… et pour les habitants ! »
Avec la mobilisation de la tribu et de nombreux partenaires, plus de 6000 arbres ont déjà été plantés pour stabiliser les berges, protéger les terres agricoles, améliorer la qualité de l’eau et renforcer la résilience face au changement climatique. Au fil de cette aventure, en collaborant avec de nombreux chercheurs, la tribu a aussi fait avancer la connaissance scientifique et culturelle dans de nombreux domaines : la découverte de l’Oxera doubetiae, une plante endémique de Nouvelle-Calédonie appartenant à la famille des lamiacées, le premier suivi régulier d’un nid de roussettes et l’engagement croissant des femmes, les « mamans », devenues de véritables gardiennes de la forêt. Il y a quelques jours, Isabelle Autissier est retournée à Gööpâ. Elle a découvert, émue, les effets concrets de vingt ans d’engagement : des savoirs qui se sont transmis et enrichis, une tribu consolidée grâce à l’implication de ses femmes et une forêt préservée qui fournit une eau en abondance. Gööpâ porte bien son nom : une histoire qui s’inscrit dans le temps, et qui continue de grandir avec celles et ceux qui la protègent.